Avec la conscience qu’elle ne peut poursuivre sur le chemin des Vivants, elle prend la décision de le quitter.

Sarah Trouche reconstitue une île refuge où elle associe des œuvres réalisées suite à ses voyages dans deux territoires aux climats extrêmes, l’archipel de Svalbard en Arctique et la cité lacustre de Ganvié au Benin. L’artiste a pris le temps de récolter des histoires et d’appréhender leurs particularités géographiques. Elle y a réalisé des performances et a porté son regard sensible avec le moins d’a priori possible. Le paysage insulaire ainsi recomposé dans l’exposition fait écho à l’environnement du centre d’art Rurart.

La traversée de ce lieu insulaire commence par la découverte d’un territoire rural dans lequel elle donne la parole aux habitants. La vidéo intitulée Les protagonistes introduit son questionnement sur la performance comme « le vivant et la vie en soi ». En allant à la rencontre des personnes, l’artiste soulève des enjeux, des problématiques spécifiques et co-construit parfois ses œuvres avec des complices au fil de ses discussions. Le Soleil est notre premier repère, comme symbole d’une vie sur Terre qu’elle met au jour au plus grand nombre.

La Lune, symbole de lumière, nous guide ensuite dans l’exposition. Nous la suivons et nous pouvons nous arrêter face à des miroirs, être dans un moment d’intériorité afin de songer à nos actes et prendre des décisions face aux changements des paysages, dans lesquels l’eau est récurrente. Les œuvres se répondent et dialoguent ensemble par ricochet.

Sarah Trouche écoute les personnes, les lieux et s’ouvre à l’inconnu avec empathie. Avec son corps, l’artiste tente de dire ce qu’elle observe et ce qu’elle entend, lors de moments conviviaux avec des habitants. Elle est messagère des problématiques qu’elle relève et nous ouvre vers un monde riche en différences. Elle nous livre des indices de ses expériences durant lesquelles elle se connecte au Vivant. Chaque matière qu’elle travaille, témoigne de sa tentative de s’ancrer au lieu tout en partant avec des récits en mémoire. Ses performances, sculptures et photographies nous amènent également à nous relier à la terre et à contempler les astres qui rayonnent. Ses œuvres racontent la possibilité de vivre en harmonie avec le Vivant, d’être ensemble avec nos différences.

Ainsi, cette exposition nous conduit à être mobile et à songer à un territoire où cohabitent diverses entités. Les sens de l’ouïe et du toucher sont convoqués comme pour nous amener à ressentir les émotions que l’artiste a éprouvées. La Lune et le Soleil que l’artiste capte précieusement avec elle, nous conduisent à garder espoir face au réchauffement climatique.

Dans cette île de tous les possibles, les interventions de Sarah Trouche se nourrissent les unes les autres, se relient ensemble et nous convient à nous décentrer pour envisager des relations horizontales entre des lieux éloignés.

Pauline Lisowski.