Valentina Canseco, Laurent Gongora, Barbara Portailler, Fergus Sindal, Aurélie Slonina, Taylor Smith
Jardin du 6b, Saint-Denis
16 septembre – 15 octobre 2021
Caroline Antoine et Ming-Chun Tu, toutes deux sensibles au vivant et attentives aux ressources des milieux forestiers, ont pris le temps d’explorer la forêt de Haye à la fois sauvage et aménagée par l’homme. Au fur et à mesure de leurs promenades entre 2019 et 2021, au cœur d’une nature à la fois bienveillante et peu accueillante, elles ont ramassé des éléments, matières de leurs créations.
Leurs rencontres les ont amenées à s’interroger sur le fonctionnement de ce milieu. Leurs souvenirs et sensations s’incarnent alors dans leurs œuvres, fragments de récoltes et compositions à partir de souvenirs. En cheminant ensemble au rythme des saisons, les deux artistes plasticiennes ont appris de cette forêt à proximité du lieu d’exposition. Elle reste intouchable, à préserver et lieu d’un possible danger. Pourtant, cette forêt attire tant elle est chargée de mystères. Longtemps, à l’origine des contes, des récits, des mythes, des légendes, ce milieu est aussi à préserver, désormais fragilisé. Les deux artistes ont laissé parler la forêt de Haye, qui leur a alors confié ses sentiments, une expérience semblable à celle du bain de forêt / Shinrin-yoku, au Japon. Tel un terrain d’expériences, celui d’un dialogue avec les éléments naturels, cet espace naturel entretenu désormais prisé des Nancéiens est le symbole d’une nature résistante. Ming-Chun Tu et Caroline Antoine transmettent leurs sensations et ce qu’elles ont vécu au fur et à mesure de leurs promenades au contact d’une végétation sauvage par endroit, maîtrisée à d’autres…
Citadines, la forêt les protège et les artistes cherchent ainsi à en prendre soin. Leurs démarches s’approchent d’une forme d’éco-féminisme. Elles tentent d’entrer en relation avec les êtres vivants non-humains et rendent à ce milieu les bienfaits que celui-ci leur offre, une énergie que l’humain peut ressentir s’il prend le temps de s’attarder, en étant respectueux d’une flore endémique et des animaux qui y habitent. La curatrice prend alors le temps d’échanger avec les artistes et tisse des liens sensibles entre leurs œuvres. Différents moments de vie en osmose avec les arbres reviennent à la surface.
Leur exposition propose un parcours à la découverte de leurs diverses cueillettes. Pensée comme un espace ponctué de souvenirs d’expériences vécues, de traces de rencontres d’êtres et de matières vivantes. Leurs œuvres témoignent de ce qu’elles ont perçu. La carte sensible de Caroline Antoine révèle les différentes atmosphères de l’ombre à la lumière de la forêt. Des gravures à la manière noire de Ming-Chun Tu rendent visibles des végétaux et à des paysages recomposés de mémoire. L’artiste originaire de Taïwan donne également forme à des céramiques, témoins de ses contacts avec les feuilles des arbres, avec lesquels elle s’est imprégnée d’une énergie. Les sculptures en branches, pierres et cire d’abeilles de Caroline Antoine incarnent une forme de spiritualité et de magie qu’on prête aux éléments naturels. En équilibre, ses œuvres suggèrent également des petites constructions réalisées par des animaux de la forêt ou bien des assemblages trouvés in situ.
Les émotions prennent ici le pas sur l’analyse botanique et écologique de cette forêt, à soigner. Leurs œuvres sont ainsi associées entre elles et composent un milieu, une nouvelle biodiversité, signe d’une forêt en cours de régénérescence. Deux cultures d’un attachement à une nature restée intacte se rejoignent ici pour nous inviter à y prêter attention.
Pauline Lisowski