De ses sensations au contact de la nature, de son expérience de l’architecture et de son amour de la musique, Elise Beaucousin retient une douceur, une temporalité, des traces d’incisions. Elle prête attention au velours, cette matière invitant au toucher dont elle observe les plis et les textures. Elle restitue dans ses dessins au graphite le volume de cet élément qu’on apprécie pour son caractère charnel.
Ses marches à la rencontre de l’architecture l’amènent à saisir les variations de lumière et les changements de couleurs des éléments naturels qu’elle observe. Elle capte le caractère éphémère des dessins provoqués par les ombres et les lumières qui se diffusent et marquent les murs des lieux qu’elle explore. Telle une architecte ou une paysagiste, l’artiste a besoin d’éprouver les espaces dans lesquels elle est invitée à créer. L’univers graphique d’Elise Beaucousin est synesthésique : la surface du papier ou du mur suscite le délice d’une caresse, d’un geste tendre.
Ses dessins de grand format incarnent l’écoulement du temps, une fluidité, une profondeur et une musicalité. L’écoute des sons de la nature et du rythme des instruments se perçoit dans ses œuvres d’une grande sensibilité. La ligne, rupture et la multiplication des étroites réserves de blanc perturbent une impression de calme. La Défense associe des superpositions d’espaces plus ou moins lumineux, des surfaces verticales et obliques ainsi que des lignes blanches qui perturbent la rigueur de la composition. Les dessins de la série végétale nous rappellent les souvenirs de sensations de l’herbe sous nos mains, sa fraîcheur et de possibles coupures.
L’impression de suture et de découpe se retrouve dans sa dernière œuvre de velours, Griffes. La matière est pensée pour une installation au travers desquelles les formes de tissus noir sont épinglées au mur et espacées les unes des autres. Deux découpes se révèlent ainsi, l’une de la forme et l’autre à la surface du mur. D’autres pièces de velours, tels les Coussins mathématiques donnent l’envie de les toucher et rejoignent des mobiliers comme dans l’exposition à l’hôtel de la Nouvelle République, Paris, à l’occasion de l’Antichambre Acte 1. Présentées cet été à l’occasion de l’exposition collective « Réunion confort » dans le jardin des Ateliers Canard à Cormeray dans le Loir-et-Cher, sur des pans de mur, ses velours convoquaient l’effet du vent dans les végétaux. Ils furent disposés dans un espace où ils répondaient aux arbres, aux graminées et à la pelouse que les commissaires de l’exposition ont laissé volontairement sauvage. Une résonance entre les formes présentes dans ses pièces et l’organisation du jardin se révélaient au gré des passages des visiteurs. Le vide entre ces pièces de velours renvoie à l’air qui circule et qu’on ressent durant nos déplacements dans la campagne et en bord de mer. Elise Beaucousin restitue ses impressions corporelles et nous convie à nous laisser bercer par les courants qui font vibrer ses œuvres.
Ses Dessins d’acier, installations, dessins in situ qui naissent par la disposition d’épingles d’acier, évoluent selon l’heure de la journée et les changements de luminosité. Ces œuvres incarnent également la nécessité de recycler ses matériaux. Une petite boîte contient les mêmes éléments qui lui permettent de concevoir ses installations éphémères de grande dimension. Le dessin est créé à l’aide d’un matériau réutilisé à chaque oeuvre. Il incarne le geste de l’artiste qui a pris la mesure du lieu et a trouvé l’emplacement idéal pour ses lignes de lumière. Ces œuvres minimalistes rejoignent ses dessins à la fois doux et incisifs. Les différentes granulations du mur lui offrent des qualités graphiques avec lesquelles elle compose son installation. La multiplication d’éléments pointus produit une douceur visuelle qui se transforme avec les changements d’atmosphères lumineuses.
Dans ses dessins récents, elle poursuit son intérêt pour la biologie. Les formes délicatement dessinées au graphite tout en finesse laissent voir une matière qui retient la lumière. Elles paraissent se caresser lentement et inspirent à être frôlées. L’artiste compose avec le blanc du papier ses dessins de découpes de feuilles, de pierres qui flottent. Ses dessins suggèrent des pointes qui piquent et des pierres fendues. Son outil de dessin lui permet de convoquer à la fois le végétal, le minéral et les surfaces des pierres dans des paysages.
Les phénomènes naturels, tels le vent et les rayons de soleil se révèlent dans ses œuvres. Sur le mur, un aspect sculptural apparaît et nous pouvons contempler le moment fugace du passage d’un éclat de lumière. Ainsi, le travail du temps est également au coeur de son geste artistique, visible dans ses dessins, dans ses velours et ses Dessins d’acier. La répétition de celui-ci l’amène à prendre conscience de l’oeuvre en train de se faire, de la percevoir dans un état de contemplation voire de méditation.
Une ambiguïté entre des éléments incisifs et d’autres souples et délicats se fait sentir dans ses œuvres. L’artiste multiplie les expériences graphiques et les lieux où elle compose avec les caractéristiques de l’environnement pour être en permanence dans une réceptivité nouvelle.
Pauline Lisowski
Le 4 novembre 2020