Micha Tauber

Une création libre, spontanée, où se mêlent souvenirs et rencontres

L’atelier est pour Micha Tauber, le lieu des récoltes, des trouvailles et de ses trésors. Dans ce refuge, elle transmet la beauté du monde. L’artiste constitue depuis quelques années, sa matériauthèque où elle puise des éléments, des fragments, des supports. Son intérêt pour la diversité des matières s’est développé à la suite de sa première formation de designer textile.

Comment faire avec ce que j’ai et avec ce que je trouve ? Telle est la question que pose l’artiste entourée de ses supports colorés, écrits et marqués par le temps qui passe. Elle entre en relation avec ses matériaux, s’y attache tels des objets qui lui rappellent des moments vécus. Au fur et à mesure de collages, d’associations de papiers gardés et imprégnés de la mémoire de gestes, de fragments de pages d’ouvrages anciens, de cartes de géographie et d’autres documents conservés lors de déplacements, un paysage intérieur prend forme, tel un palimpseste d’étapes de sa vie, de ses voyages et des changements d’habitat. Parfois, la texture, les trames et les couleurs d’un support constituent une première strate d’un espace, le point de départ d’un cheminement ou d’une écriture poétique. Micha Tauber poursuit cette exploration d’un monde, strate par strate et libère un geste d’écriture, dessine des signes, des formes archaïques, un langage personnel pouvant être compris par tous. Certains symboles sont récurrents dans ses œuvres : la maison, la spirale, des formes qui parlent à tous et rassemblent. Elle transmet ses réflexions, ses pensées, des réactions à un contexte, à des découvertes et des observations. Des éléments, des perceptions de l’ordre du commun deviennent poétiques. L’artiste recherche l’équilibre entre le diffus et l’organisé. Elle exprime une certaine mélancolie, une certaine nostalgie, celle de l’éveil de l’enfant qui crée sans à priori, avec un regard innocent.

Imprégnée des lieux qu’elle parcourt, Micha Tauber crée en suivant ses souvenirs qui émergent. Ses œuvres diffusent un mouvement circulaire, une dynamique. Ce cheminement fluide invite le regard à circuler et parfois à se poser sur des détails, du texte ou des matières. Dans ce grand tout composite, des micro territoires se découvrent à partir desquels on entre dans les profondeurs d’un sol où des sédiments remonteraient à la surface. Ses œuvres all-over émanent de sa curiosité, de sa spontanéité et de la joie de s’exprimer par les formes et couleurs. Elles invitent à voyager par le regard, à rêver, à songer à des moments vécus. Parfois, des supports épuisés ou en fin de vie renvoient à la société de consommation et aux changements qui s’opèrent au fur et à mesure d’inventions techniques. Dans certaines peintures, des papiers dorés ajoutent un éclat, de la lumière, qui attirent le regard : un processus de réparation, de sublimation et la transmission d’une énergie, à laquelle on peut se raccrocher. Généreuse par le choix des éléments présents dans ses travaux, elle communique sa reconnaissance envers chaque expérience, considérant avec gratitude ce que la vie lui apporte.

Les matériaux circulent d’un support à un autre. A partir de relations entre ses œuvres, nous pouvons percevoir des récits de vie et des pensées qui nourrissent sa création. Des moments vécus semblent visuellement se retisser en prenant le temps de contempler ses peintures. A la manière des cycles de transformation de la nature, ses travaux incarnent un flux, une décomposition. Le recouvrement rend visible des interactions et des dialogues possibles.

Micha Tauber apprécie également se donner des règles de jeux et travailler dans une dynamique collective avec d’autres artistes, musiciens, graveurs et écrivains. Elle partage son espace de création et entame des correspondances artistiques.

Ainsi, un monde imaginaire, une cosmogonie personnelle se donnent à voir : un milieu où tout semble se transformer jusqu’à composer un certain équilibre. Couleurs, formes, textes, restés en mémoire créent une atmosphère colorée. Ses œuvres ravivent une certaine joie, une reconnexion à des lieux, à des détails perçus.

Pauline Lisowski, juin 2024