Merveilles et curiosités… Ode aux plantes des villes

Marie Ouazzani et Nicolas Carrier, Laurence De Leersnyder, Bettie Nin, Morgane Porcheron

Centre d’art La Traverse, Alfortville

7 juillet – 31 août 2022


Les plantes voyagent. Les herbes surtout. Elles se déplacent en silence à la façon des vents. On ne peut rien contre le vent. Gilles Clément 1

Vagabondes, sauvages, spontanées, communes, rudérales, tels sont les termes que l’on donne aux plantes qui poussent sur les bords des routes, dans les creux du béton, dans les interstices de l’asphalte, les friches ou les recoins du bitume.

Nous pourrions cheminer en ville en prêtant davantage attention à ces espèces végétales. Nous pourrions apprendre à regarder vivre ces témoins de la transformation des villes.

Nous pourrions écouter ces plantes qui s’insèrent dans les vides urbains.

Les plantes incarnent une forme de résistance, leurs réseaux de racines souterraines ont beaucoup à nous dire : elles sont le symbole d’une forme de résilience inspirante.

Les artistes, sensibles à la beauté de cette flore voisine, s’émerveillent des couleurs et des textures de la moindre espèce botanique et des bienfaits de cette biodiversité si riche. Marcheurs, cueilleurs, toujours attentifs aux manières dont la nature résiste en ville, ils nous invitent à regarder le sol, à nous arrêter un instant pour observer cette pluralité qui se déploie à nos pieds. Cette flore qui fut l’objet d’études scientifiques attire leur curiosité. Ces merveilles végétales, voyageuses, sollicitent nos sens en toutes saisons.

La récolte, lors de ses promenades régulières, constitue le point de départ de l’installation de Bettie Nin. Des fruits de magnolia, colorés comme pour leur donner une seconde vie, sont disposés au mur, tel un motif de papier peint ou de wax (tissu africain). Le magnolia est la plante prototype de la toute première fleur née il y a 140 millions d’années. Cet arbre constitue également un symbole de l’histoire de la colonisation et nous attire par la beauté de sa floraison.

Laurence De Leersnyder, inspirée par des écrits de botanistes, développe un travail d’empreintes. Ses herbiers de béton et d’argile préservent le corps délicat des plantes qu’elle récolte. Le béton témoigne de l’urbanisation et de la minéralisation de nos sols, de plus en plus grandissantes. Apparaissant tels des fossiles, ces herbes que l’on dit mauvaises, éveillent notre attention. L’artiste déploie sur un mobilier ses expérimentations, tel un cabinet de curiosités végétales.

Les cueillettes puis la réalisation d’empreintes sont aussi les étapes du travail artistique de Morgane Porcheron. L’artiste, telle une « archéologue du quotidien », rend visible les impacts de la nature sur les constructions. Elle met en évidence sa capacité à s’infiltrer et à germer là où on ne s’y attend pas. Ses œuvres en terre nous conduisent à prêter attention aux plantes qui reprennent leur droit sur l’architecture.

La pollution des villes, les constructions et les circulations influencent la végétation urbaine. Marie Ouazzani et Nicolas Carrier parcourent des territoires urbains en mutation, en observant la présence des plantes indicatrices des changements climatiques. Leur film Exposition périphérique invite à découvrir des espèces végétales qui habitent un paysage de proche banlieue parisienne.

Le temps d’un été, le centre d’art La Traverse se mue en laboratoire de recherches botaniques autant qu’en lieu de croissance de ces plantes que l’on rencontre lors de nos marches quotidiennes. Par la pratique de la récolte, de l’herbier, de la sculpture, de l’installation, de la vidéo, ces artistes nous convient à découvrir la beauté d’un vivant végétal si proche de nous et dont nous avons beaucoup à apprendre. Les plus curieux percevront désormais avec plus d’acuité la richesse immense de cette flore urbaine.

Pauline Lisowski

1 Gilles Clément, Éloge des vagabondes, Nil Editions, 2002, p. 9