Cette année particulière, le Domaine de Chaumont-sur-Loire offre encore un panel de découvertes artistiques et botaniques. Chantal Colleu-Dumond a sélectionné des artistes de toutes générations et de nationalités différentes pour leur proposer d’investir un des espaces du domaine tandis que d’autres œuvres pérennes sont toujours à découvrir. Ce parcours artistique invite à la flânerie, à la rêverie et à la réflexion au fur et à mesure qu’il nous conduit à entrer dans des lieux chargés d’histoire, à l’architecture et au mobilier qui guide parfois les artistes dans leur création.
Entre promenade extérieur et visite des espaces au décor somptueux où l’aménagement témoigne d’un usage passé, c’est à nous de choisir le point de départ pour apprécier la diversité des propositions artistiques.
Dès le début du parcours de visite du château, dans le salon, la bibliothèque végétale Block flowers de l’artiste japonais Makoto Azuma sollicite la curiosité. Passionné par les plantes, Il poursuit la tradition de l’herbier et compose ainsi pour la saison artistique une œuvre qui présente des végétaux dans toute leur splendeur. Préalablement lyophilisés pour être ensuite encapsulés dans des blocs de résine acrylique, les plantes choisies pour leur éclat au maximum de leur beauté, acquièrent une nouvelle vie. Figées, elles trouvent une autre forme entre naturel et artificiel.
A l’honneur avec une grande exposition intitulée Paysages révélés dans le château, Philippe Cognée nous dévoile un ensemble de peintures de paysages dont les couleurs incitent à songer à des lieux traversés. L’artiste peint des arbres et des points de vue, des champs sauvages ou cultivés, des broussailles, des forêts, des lieux dans lesquels on aimerait se promener et qui furent en réalité vus depuis un train. Ces toiles exécutées à la cire procurent un effet d’effacement et de disparition du paysage, tel un souvenir d’une image qui fuit tout en restant ancrée dans la mémoire.
Connu pour son œuvre Arbre-chemin, créée en 2012 dans le parc historique, Giuseppe Penone a été convié à présenter Respirare l’ombra, une sculpture dans le château à partir de laquelle des feuilles de laurier transmettent le souffle de la vie ainsi qu’une série de dessins et de gravures qui révèle son attachement à l’arbre. Dans la cour de la ferme, cet être vivant se retrouve également magnifié au travers de la sculpture Tra… constituée d’un tronc d’arbre coupé en deux, réalisé en bronze, en équilibre sur deux ensembles de branches. Patiné à l’intérieur d’un doré éclatant, l’arbre a trouvé une renaissance. L’œuvre montre un rapport de force inversé, révélant alors la continuité de la vie de l’arbre qui malgré la brisure continue de garder sa splendeur.
Les différents bâtiments de la ferme sont devenus des espaces d’expériences artistiques. Venir à Chaumont-sur-Loire nous permet de redécouvrir d’année en année le domaine et d’apprécier l’atmosphère entre passé et présent, nature et œuvre d’art qui y règne. Les artistes y viennent avec un regard curieux et en font un territoire de création où leur imaginaire grandit et où pour certains, il s’agit de faire murir un projet à l’échelle d’une architecture ou d’un espace extérieur.
Dans la grange aux abeilles, Léa Barbazanges a conçu une installation qui nous éblouit et nous interroge par ses éclats et ses matériaux. Cristaux est composée de panneaux de cristaux de calcite et présente un dessin de lignes entre des formes aléatoires et d’autres géométriques, créées par la nature même du matériau employé. L’artiste nous révèle l’aspect des cristaux, leur capacité de nous émerveiller et de nous surprendre par les mystères qu’ils renferment. Notre regard se plonge dans l’immensité de ce paysage d’arborescences qui captent la lumière.
Dans l’asinerie, une forêt de socles accueille une série d’oiseaux sculptés à même les branches d’arbres de l’artiste chinois installé en France, Wang Keping. Ses œuvres révèlent les veinules et les craquelures du bois. Les oiseaux lui permettent de mettre en évidence les détails de cet élément. Ses sculptures nous invitent à contempler différentes essences de ce sujet de nos forêts. Il ne s’agit pas de reconnaître l’espèce mais bien de se laisser porter par la forme et la matière qui présente des lignes, des textures et reflète la lumière.
Dans les écuries, les sculptures en bois de Marc Nucera affichent une volumétrie qui donne à l’arbre une impression de grande vie. Les torsions et les creux témoignent du temps de la nature et des métamorphoses que subissent ces êtres vivants. Ses sculptures torsadées paraissent anthropomorphes et dévoilent des marques, des fissures, un état en cours de transformation. L’artiste met en évidence la chair de l’arbre.
Découverte également de la démarche artistique d’Axel Cassel, sculpteur qui regarde avec attention le mouvement de l’eau, les craquements de la terre et comment les feuilles sont positionnées sur les arbres. Ses observations des éléments l’amènent à sculpter des formes qui présentent des volutes ou bien suggèrent des fumées. Ses sculptures exposées dans les écuries du domaine rappellent des toupies tout en évoquant des silhouettes. Élancées, elles convoquent le mouvement.
Dans le parc historique, Vincent Barré fut convié à proposer une œuvre qui s’inscrit subtilement dans un bouquet de trois grands chênes remarquables. Il faut aiguiser son regard pour la découvrir, éloignée du chemin. Sa Couronnes d’arbres suggère une alliance de la main de l’homme avec la nature. Les arbres sont ici pris par ces liens, comme s’ils étaient protégés et à contempler pour leur port majestueux.
A voir également les œuvres poétiques entre jour et nuit de Joël Andrianomearisoa, les livres cristallisés par le feu de Pascal Convert dans la bibliothèque des Broglie du Château, les herbiers fantastiques de Marinette Cueco, l’installation de plumes d’une grande délicatesse d’Isa Barbier, les sculptures de Sophie Lavaux, également dans le château ainsi que l’installation conçues à partir de branches d’arbres de Bob Verschueren qui dessinent un chemin dans la clairière des étoiles du parc historique.
Ainsi, cette saison artistique met en évidence la relation délicate à la matière que développent les artistes invités. La nature est regardée avec soin pour toute la vie qu’elle offre au promeneur. Les arbres sont des sujets de prédilection pour les artistes qui en révèlent les différents temps et les diverses marques, leur donnant un certain mystère. Cette année, ils dévoilent leur regard sur les éléments naturels et donnent à voir leur regard sur leurs transformations. A Chaumont-sur-Loire, les œuvres d’art nous invitent à une nouvelle attention au végétal, à nous faire prendre conscience de la beauté des arbres et du caractère fragile et délicat des matières naturelles. Elles nous émerveillent par leur somptueuse beauté et surtout pour leur forme qui rappellent des mouvements ou des sensations vécues durant des expériences esthétiques au contact de la nature et d’autres éléments vivants.
Même s’il faut suivre un circuit de visite et des mesures particulières pour aller à la rencontre des œuvres créées pour l’occasion, il ne faut pas manquer ce rendez-vous annuel qui donne à voir l’inventivité toujours croissante et les relations si justes et attentionnées envers la nature que les artistes déploient pour concevoir des installations, pour sculpter, dessiner, peindre… Ils nous proposent chacun une rencontre avec un matériau, avec la nature et avec le paysage. Nous sommes incités à nous promener, à découvrir la richesse botanique qui peuple le parc historique ainsi qu’à contempler les propositions artistiques qui le ponctuent et nous guident vers différents espaces historiques du domaine. Le Prés du Goualoup lui offre aux visiteurs l’occasion d’apprécier des jardins et des œuvres pérennes qui bénéficient d’un espace plus ouvert.
A visiter comme chaque année, le festival des jardins dont la thématique est cette année Retour à la Terre-Mère, un enjeu actuel qui incite les créateurs à des innovations en matière d’aménagement, de palette végétale, de couleur et d’expérience à vivre.
Domaine régional de Chaumont-sur-Loire – propriété de la Région Centre Val de Loire. Un lieu incontournable dont la triple identité – patrimoniale, artistique et jardinistique en fait un lieu …
Installation de Léa Barbazanges au Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2020 - © Éric Sander