Pour son exposition à la galerie Underconstruction, Jeanne Suspluglas a créé une scénographie qui conduit les visiteurs à rentrer progressivement dans sa démarche et à découvrir des espaces intérieurs. Elle réunit à la fois des œuvres récentes et d’autres plus anciennes, de différents médiums, sculptures, photographies, fil de lumière, dessins, installations) qui lui permettent de développer ses principaux thèmes de recherches, l’enfermement, la science, l’aliénation ainsi que le rapport à soi et aux autres.
Dès l’entrée, une sérigraphie Hair (Tribute to Gordon Matta-Clark) présente un portrait de l’artiste, les cheveux éclatés dans tous les sens, une attitude qui reflète celle de l’artiste au travail, prise dans ses pensées. « J’ai toujours vu dans le travail de Gordon un lien à son histoire familiale, la gémellité, la séparation de ses parents et de la fratrie, l’éloignement géographique. Couper une maison, c’est couper une famille. C’est aussi donner à voir l’intérieur. Personne ne sait vraiment ce qu’il se passe derrière la porte. » explique d’ailleurs Jeanne Susplugas. Cette filiation l’amène à poursuivre sa réflexion sur notre relation à la maison, ce lieu où nous marquons nos repères, notre parcours, nos liens et souvenirs avec les autres.
Les formes du cerveau, les ramifications constituent comme le fil conducteur de l’exposition. Ces éléments issus du domaine scientifique témoignent de leur récurrence. Un dessin Arbre généalogique propose une vision critique de cette représentation symbolique, recherche des origines : les noms des personnes sont remplacés par des pathologies. Les dessins, réalisés à l’encre, de sa série In my brain séduisent par la précision et légèreté des lignes et des couleurs. Mais en s’approchant, le spectateur découvre une série de réseaux sur lesquels se révèlent les pensées d’une personne, à la fois, ses angoisses, ses joies, ses rêves, ses peurs et ses idées noires. Le dessin permet à l’artiste d’exprimer des sensations, de raconter des histoires, témoignages des échanges qu’elle a eu avec les personnes qu’elle côtoie et qui lui livrent leurs pensées.
Du dessin, Jeanne Susplugas passe au volume pour traduire la forme du neurone. Une sculpture récente, une valise posée sur des pieds munis de roulettes, semblable à une armoire de pharmacie, devient un support pour une présentation de petits volumes : Des neurones telles qu’ils pourraient être rangées dans une boîte et sorties si le besoin s’en fait sentir. Cette œuvre propose une réflexion sur la maison comme espace intime, celui des pensées qu’on a parfois envie d’emporter avec soi ou de fuir. Elle suggère également le besoin de ranger, de trier, ces actes qui aident à faire le vide pour avancer et se libérer de ses tracas ou de souvenirs, malheureux.
L’artiste fait aussi naître ses œuvres grâce aux liens qu’elle tisse avec les personnes de son entourage ou qu’elle rencontre. Telle en témoigne sa série de photographies d’un modèle qui présentent des tatouages où se retrouvent des dessins de molécules, un neurone et des arbres, ces formes qui la suivent.
Une sculpture suspendue, telle une boule à facette, plafonnier des soirées dansantes a la forme d’une molécule. Cette œuvre renvoie à l’action éphémère de la fête et du médicament : un état second qui procure un bien être à un moment donné et qui transporte ailleurs de façon artificielle. Ce lien avec la lumière se retrouve dans la phrase en fil de lumière Confused. Cet état mental, nouvel indice, ajoute à l’expérience d’une sensation de trouble et d’interrogations que propose l’artiste.
De grandes formes colorées peintes sur les murs de la galerie, wall drawing nommé Sous influence, suggère des portes, des ouvertures vers un espace, un ailleurs où se retrouver et se sentir seul confronté à soi-même. Leur forme correspond à celle des gélules. La molécule est détournée pour devenir motif pour de multiples expériences artistiques.
Ainsi, Jeanne Susplugas a transformé la galerie comme une maison, lieu de ses réflexions et de ses pensées. Ses œuvres ont un caractère à la fois chaleureux et froid. Elles donnent à voir ce qu’habituellement nous cherchons à cacher et à renfermer, le fonctionnement de notre esprit, les travers, qualités et défauts.
Une exposition à découvrir absolument jusqu'au 17 novembre à Under construction gallery, Paris.
under construction gallery emmanuelle bouyer charles carmignac cécile chaput rachel marks sandrine rondard amélie scotta tim stokes ken sortais marine wallon
hair (Tribute to Gordon Matta-Clark), 2010-2018, sérigraphie