Johanna Perret explore les champs de notre perception et cherche à nous amener à mieux regarder. Ses peintures condensent un temps. Elles nécessitent de la patience. L’artiste « peint le doute » et offre au spectateur l’opportunité de découvrir les éléments au fur et à mesure des changements de la lumière naturelle. Cette attention du regard suscite un travail d’introspection, de réflexion sur nos manières de croire et de voir le monde qui nous entoure. Tout n’est pas donné immédiatement dans ses huiles sur toile, une sensation qui rappelle celle du phénomène du brouillard qui se lève sur le paysage.
Les couleurs douces, ténues de ses toiles suggèrent la brume ou un effacement, des souvenirs qu’elle a en mémoire. La lumière émane de ses peintures où d’un déplacement et des éléments apparaissent, disparaissent. Elles vivent et n’en finissent pas de nous captiver. Une certaine frustration de ne jamais pouvoir tout lire survient.
Au-delà du paysage, l’artiste développe des recherches sur les états de lumière. Les matières colorées qu’elle emploie cachent une réalité. Elles sont un filtre pour dévoiler des phénomènes, l’action de l’Homme sur la nature. Lux Nova, nouvelle lumière, que propose l’artiste, nous renvoie à une spiritualité qui peut émaner de la nature. Echo à l’angoisse du romantisme noir, ces peintures provoquent une persistance d’images mentales ou bien l’attente de ce qui pourrait advenir. L’artiste combine deux réalités, celle d’un territoire dont elle observe les changements et une autre qui surgit par le regard qu’on porte à sa peinture.
Chez Johanna Perret, les paysages sont prétextes pour nous amener à prendre conscience de notre environnement et nous inciter à aiguiser notre vision. Ses peintures atmosphériques demandent une certaine concentration, une habitude qui nous conduit au calme, au recueillement.
Pour son exposition, elle conçoit un parcours ponctué d’étapes. Sa série de peintures Déflagration crée un travelling de rythme de couleurs. Inspirées par le soluble, les teintes chimiques que l’artiste recrée font référence à l’industrie qui marque le paysage montagneux où elle réside. Chacune montre des éléments de constructions humaines, voués au transport d’énergie, de matière, incarnant une volonté de changement, de transformation, d’amélioration, d’un territoire, d’un territoire. Ils se dévoilent par la lumière colorée.
Puis, comme une apparition, un bouquetin, tel un gardien des lieux, surgit d’une brume. Cette toile renvoie à une image qui peut survenir, à une vision qui apparait au fur et à mesure d’une balade en montagne. Une installation de plaques d’ardoises au sol nous met en condition d’équilibre, en recherche de stabilité. Ce qui accentue le désir de pouvoir saisir le réel, voilé. Ces fragments de roche métamorphique renvoient à la transformation, au passage d’un état à un autre présent dans les peintures de l’artiste. L’expérience de cette marche sur ces morceaux de matières ravive les souvenirs de parcours d’une ascension où des images surgissent. Des études colorées, telles des gammes qui seraient extraites de ses toiles, témoignent des recherches de l’artiste sur les potentialités de la couleur à transmettre des sensations, des évènements qui marquent l’environnement.
Comme un point culminant de la balade colorée, L’Hallali présente une montagne célèbre, le massif du Mont Blanc, un « paysage carte postale » qui attire les touristes. Contrairement à ses autres peintures, son sujet ne vient pas d’une photo que l’artiste a prise mais d’un vieux poster retrouvé. Cette peinture convoque la mémoire d’une montagne qui se trouve fragilisée. Aux habitants du territoire et aux plus attentifs de saisir l’évolution de ce paysage.
Ains, nous sommes pris par l’environnement de couleurs qui se diffusent dans l’espace. Johanna Perret nous fait prendre conscience d’une réalité qui nous échappe ou qui peut être autre selon les sensations que nous vivons face à ses peintures.
Pauline Lisowski