Une exposition (du) sensible au centre d’art contemporain La Synagogue de Delme

On est forcément surpris lorsqu'on entre dans cette exposition. La synagogue de Delme, vide, blanche, avec au sol une pile d'ouvrages identiques. Il s'agit d' "une exposition à être lue" : cette édition rassemble les textes de 7 artistes Keren Cytter, Amélie Dubois, Goldin+Senneby, Benoît Maire, Charlotte Moth, Falke Pisano, Cally Spooner. Il s'agit de textes de différentes natures, destinés à être lu. Alors, à vous de jouer maintenant, de participer à l'oeuvre. Le spectateur est invité  à emporter l'ouvrage et à le lire à l'extérieur ou le lire à voix haute pour faire vivre l'architecture de la synagogue. A l'étage, le bulletin municipal de la commune de Delme, édité à 1000 exemplaires. Mathieu Copeland, le commissaire de l'exposition a invité Dexter&Sinister à intervenir sur le design du bulletin municipal de la commune. Ce bulletin a été diffusé deux fois : la première dans les foyers de la commune de Delme. Il a une deuxième vie, diffusé au sein de l'exposition. L'art s'insère en quelque sorte dans la vie de la commune et la vie de la commune s'inscrit dans un projet artistique. Robert Filiou disait à ce propos, il y a quelques années, "L'art rend la vie plus intéressante que l'art".

La conception de cette exposition rappelle l'intérêt qu'a Mathieu Copeland, le commissaire d'exposition, de questionner le rapport du spectateur à l'oeuvre. La scénographie de l'exposition peut d'ailleurs faire penser à l'exposition "Vides, une rétrospective", qui avait lieu au Centre Pompidou l'année dernière.

Les autres oeuvres sont à l'extérieur. Le projet d'exposition est né d'une réflexion de Gustav Metzger (pionnier de l'art dit contextuel, théorisé par Paul Ardenne) et de Mathieu Copeland qui désiraient ne pas montrer les oeuvres, mais les réaliser.

Les autres artistes invités ont donc investi la vie quotidienne des mosellans. Cildo Meireles poursuit son projet d' "insertion dans les circuits idéologiques, Bank Note Project", qu'il avait initié en 1970. Franck Leibovici s'insère dans le cinéma itinérant de Lorraine pour y diffuser son film "Calendaires". Kenneth Goldsmith propose une oeuvre diffusée par la radio, exclusivement en Lorraine. Dans celle-ci, il lit entièrement "Culture et Valeur" de Ludwig Wittgenstein, en allemand, une langue qu'il ne parle pas ni ne comprend. L'artiste souligne ainsi l'écart entre le mot écrit et le mot parlé. Cette oeuvre peut surprendre les auditeurs réguliers des stations radio Déclic, Peltre Loisirs et Caraïb, même si la langue allemande paraît s'intégrer parfaitement à la radio lorraine (La Lorraine, et particulièrement la Moselle sont frontalières avec l'Allemagne). Une autre oeuvre est diffusée par le biais des médias lorrains. Cesare Pietroiusti fait apparaître, de façon aléatoire, dans le journal Républicain Lorrain, édition de Sarrebourg, ses "Pensées non fonctionnelles". Les lecteurs des journaux participent alors indirectement à l'oeuvre. Chacun pourra lire une de ces "Pensées non fonctionnelles" de l'artiste, et ce grâce au hasard et à l'aléatoire.

Cette exposition questionne donc le rapport du spectateur face aux oeuvres d'art et nous dévoile comment des oeuvres d'art peuvent participer à la vie quotidienne de tout un département, voire d'une région. Mais, ces oeuvres peuvent ne pas être réélement vues, ou plutôt découvertes. Elles apparaissent subtilement dans le paysages des médias lorrains.

Une exposition à découvrir surtout à l'extérieur…

Jusqu'au 19 septembre

Pour plus de renseignements, le site internet de la synagogue de Delme