A la Maison d'Art Bernard Anthonioz se déroule le deuxième mouvement d'une "Suite pour exposition(s) et publication(s)". Il s'agit d'un projet qui tourne autour d'une réflexion sur l'exposition, son image, sa représentation ainsi que son catalogue. Le premier mouvement s'intitulait "Une exposition parlée", présentée au Jeu de Paume. Cette fois, il s'agit de faire résonner une approche plus formelle : de l'écriture à l'abstraction. Les mots inscrits sur les oeuvres perdent leur sens premier et révèlent un nouvelle signification. Les artistes jouent sur la matérialité du mot, de la lettre, son image et amènent un sens nouveau à l'écriture. D'une disparition de sens, il se dévoile un nouvelle création qui suscite l'imagination du spectateur.
Les conditions de visibilité des oeuvres et leur références textuelles sont brouillées par des cartels créés avec l'alphabet socio-politique de Jacques Villéglé. Au rez-de-chaussée, l'ensemble des oeuvres traitent de la disparition des lettres, d'un support pour une nouvelle création. Amikam Toren a conçu une oeuvre dont les lettres sont découpées. Cet artiste interroge la disparition, de sens et de figurés. Gil J. Wolman a repris un tableau bon marché qu'il a recouvert de toile blanche. Seule une bande laisse entrevoir l'originale : Peinture fermée est révélatrice d'un double mouvement de destruction et de création. Le travail de Francis Baudevin suit un processu semblable. L'oeuvre de Claude Rutault est telle qu'elle se fond dans le mur de l'exposition. Pellizzi, lui utilise aussi la peinture blanche pour recouvrir des peintures abandonnées. Ces artistes ne pratiquent pas en vue d'une disparition de la référence du support, ils montrent plus le processus de d'absence et l'acte de création à partir d'un objet, d'un tableau déjà créé.
Dans le cheminement du parcours de l'exposition, l'oeuvre in situ 12 TEXT PIECES ON TOP OF EACH OTHER de Stefan Brüggeman habille les murs de lettres découpées qui se superposent. Le sens de lecture est quasi annulé pour laisser place à un graphisme plus abstrait. Cette oeuvre introduit la présentation des livres d'artistes, des éditions dans le cabinet d'art graphique spécifiquement conçu pour l'exposition. Les artistes interrogent d'une autre façon le non-texte touchant une certaine censure, voire un effacement au profit d'une nouvelle lisibilité d'un monochromme noir. On peut y découvrir les Cryptographes de Villéglé. Gloud de Matt Golden suit un processus de disparition de la typographie qui laisse le noir tout recouvrir. Marcel Broodthaers a repris et effacé un poème typographique de Mallarmé. La disparition des lettres, du texte et de la structure graphique se retrouve également dans de nombreux ouvrages présentés dans une vitrine. Cette présentation de livres d'artistes relève d'un paradoxe, ce qui est à voir est souvent une surface noire qui fait perdre le sens premier de l'objet.
Cette exposition fait de l'écriture le support d'une dispartion ou d'une nouvelle forme d'écriture plus abstraite. Les artistes nous montrent que la lettre, les mots peuvent être utilisés de façon formelle et non uniquement pour leur signification. Nous comprenons ainsi que l'exposition peut être vue sans textes. Ceci invite à un nouvel imaginaire où le noir et le blanc masquent et révèlent à la fois.
Une exposition sans textes à découvrir jusqu'au 19 mai
à la Maison d'Art Bernard Anthonioz, Nogent-sur-Marne (94)