Kathy Le Vavasseur, Paysages de passages

Attachée à des territoires d’eau, après plusieurs traversées, Kathy Le Vavasseur fait étape à Genève et révèle ses créations en cours.

Ses œuvres présentent des circonvolutions, des entrelacs à l’image de remous, de réseaux, d’organismes vivants. Par ses gestes de manipulation de matières, l’artiste donne à voir des changements d’état. Elle joue sur l’élasticité des matériaux à la fois malléables et résistants auxquels elle se confronte, faisant confiance à leurs propriétés. Une tension entre force et fragilité se fait sentir. Ses travaux suggèrent ainsi de possibles métamorphoses par leur souplesse et leur faculté à jouer avec l’espace et la lumière. De la terre au ciel, celles-ci invitent à un déplacement du regard, à un voyage à travers différents espaces, des paysages de fleuves, de rivages, vers l’intérieur du corps humain. Nos déplacements d’un lieu à un autre nous marquent et façonnent notre propre identité : une réflexion au cœur des recherches et expériences de l’artiste. En regardant les formes organiques qui naissent de son dialogue avec les matières, elle se remémore des souvenirs qui ont marqué son enfance.

Ses sculptures en céramique font écho à la fois à des strates, à des mouvements de plaques tectoniques, à des failles. D’une forme, une autre émerge. Sa série Translocation se déploie dans l’espace, suggérant le mouvement, le remous, le flux, également une sorte d’écriture, un langage codé. D’autres pièces ramènent le regard au plus près du sol, à percevoir des fondations architecturales. D’autres encore évoquent la structure osseuse qui nous constitue, semblable aux couches de matières composant la vie des sols. Les œuvres de la série Genèses teintée de jaune et de bleu, conçues pour l’exposition,surgissent de la mer et de la terre pour se dresser vers le cielou le rejoindre.

Suspendues dans un envol, ses Mues, telles des peaux reptiliennes,convoquent ce qu’on laisse derrière soi, la mémoire d’un état, à partir duquel une vie nouvelle émerge. Ses œuvres à la fois fluides et tendues nous rappellent que nous portons toutes et tous des souvenirs, des moments clés que nous gardons en nous au fur et à mesure de nos déplacements et changements d’habitats. Plus loin, ses Mues des mues, collectes de flux de matières, nous laissent songer à des métamorphoses animales.

Inspirée par le fleuve du Gange et les rituels de purification, ses œuvres textiles donnent à lire des changements d’état, les rivages. Plus loin, ses sculptures Les Totem Neurone révèlent des formes organiques, à l’image d’offrandes envers les paysages que nous traversons, porteurs de récits.

Les variations d’échelle que l’artiste expérimente avec attention l’amènent à déployer de nouvelles perceptions sur le monde. Des connexions se lisent notamment dans ses œuvres Irregular galaxy : des radios deviennent supports de formes en verre filé, à l’image des réseaux et de flux qui circulent à l’intérieur de notre corps. L’imagerie médicale la fascine et l’amène à s’émerveiller, à aller au-delà de la surface pour entrer dans les profondeurs d’un monde où se révèlent les origines de la vie. Laissons la place à notre imaginaire et une cosmogonie apparait, des constellations… Depuis cet ailleurs lointain, des formes animales surgissent également, à partir desquelles songer à de possibles mythes et légendes.

A l’étage, Kathy Le Vavasseur a également composé un cabinet de curiosités : « ses petites bizarreries », des œuvres historiques qui ont été réalisées en plusieurs techniques. Le monde regorge de merveilles naturelles qui nous engagent à l’observation pour y découvrir leurs secrets. Ses travaux condensent ici les récits et les images de lieux liés à l’eau que l’artiste a en sa mémoire. Ils inspirent à la rêverie, à prendre le temps de songer à notre propre intériorité et aux lieux qui ont façonné les étapes de notre existence.

Ainsi, cette exposition personnelle nous invite à cheminer d’un monde à un autre, à prendre le temps de contempler les éléments naturels en perpétuelle mutation. Nous nous laissons transporter de la terre au ciel, dans des espaces propices à l’imaginaire.

Pauline Lisowski

Texte écrit pour l’exposition de l’artiste à la Fondation WRP de Genève en septembre 2025