L’œuvre de Paul de Pignol naît par ajouts, tel un corps qui grandit et se transforme. L’artiste forme ses premières sculptures de corps par petites boules de cire, composant un être ancré dans le sol. Il travaille le socle en même temps que la figure humaine qui s’érige depuis un terreau. L’observation de branches d’arbres l’a amené à comprendre comment un bras s’attache au corps. Ses figures gisantes, proches du sol, disparaissent presque, devenant poussières ou cendres. Dans ses dessins d’arbres et de racines apparaissaient déjà de possibles organes, des artères et des vaisseaux sanguins. Le corps humain et celui de l’arbre révèlent leurs similitudes.
Plus il ajoute de la matière, plus des sources lumineuses surgissent dans ses dessins de figures humaines et de paysages. Les touches de fusain suggèrent des particules organiques, des cellules. Le corps semble se dissoudre dans l’espace. Voué à disparaître, il rayonne tout de même. Il scintille dans ses dessins une lumière qui fait écho à celle qui émerge entre les interstices des arbres.
Le motif de l’arbre et celui du paysage resurgissent dans ses peintures à la palette de plus en plus réduite, camaïeu de brun, de vert, d’ocre… Des photographies prises en forêt servent de référence pour faire surgir des vibrations colorées par l’accumulation de peintures et de cire. Paul de Pignol active à la fois sa mémoire et son sens de l’observation des formes de la nature. L’artiste remue les couches colorées tel un archéologue qui fait remonter en surface la mémoire d’un territoire. Les bords des toiles s’effacent par la quantité de matières. La peinture s’y dépose comme des alluvions. Certaines toiles évoquent des traces de pas au sol. Elles réveillent des sensations éprouvées en forêt, la peur qui peut s’installer, des souvenirs marquants.
Compost de peintures et de sculptures, son œuvre incarne les différents passages ; ajout, puis suppression de matières.
Pour l’artiste, la forêt est un corps, un milieu organique où l’on rencontre des éléments vivants en état de moisissure, en putréfaction. Ses œuvres expriment les cycles de vie et de régénérescence qui se produisent dans la nature. Elles montrent l’intérieur des corps et des éléments naturels ainsi qu’une tension entre le calme, la beauté et la lutte silencieuse dans les espaces forestiers. Ces peintures et sculptures portent en elles les différentes étapes de la naissance des formes. Celles-ci incarnent le temps long de la matière organique qui se transforme en permanence.
L’attention aux terres labourées se dévoile dans ses dessins réalisés à partir de lignes, de griffonnages. Un paysage se donne à voir dans Rives. Les réserves de blancs suggèrent la lumière qui caresse des champs. Ses Racines évoquent les formes racinaires, les réseaux du corps humain, les flux vivants. Ses œuvres sur papier dévoilent ainsi les traces des travaux agricoles ou forestiers, laissant apparaître des paysages marqués par les activités humaines.
Pauline Lisowski
Le 29/12/2020