La terre est plate, Cyprien Chabert

D’images trouvées dans les livres, Cyprien Chabert nous fait basculer vers un monde nouveau, à déchiffrer. Le végétal qu’il observe avec attention est devenu motif qu’il déploie à l’infini. Les techniques qu’il utilise, de la gravure à la sculpture, le conduisent à créer des leurres nous emmenant dans un ailleurs lointain. Une passerelle est à franchir pour percer le mystère des scènes anciennes qu’il invente.
Les notions de métrique liées à son intérêt pour l’architecture l’ont incité à prêter attention aux images de ruines ou de monuments, décors dans des jardins, sources de sa curiosité. La plante fait
décor et participe à la composition d’un projet de paysage ou d’espace intérieur.
Son exposition est conçue comme une quête à franchir, étape par étape, pour percevoir des espaces fictifs, teintés d’échos de constructions datées. La galerie est devenue une scène dans laquelle
nous sommes invités à entrer au fur et à mesure.

Un dessin mural au fusain d’un feuillage en canopée, offre une première porte vers ces lieux uchroniques. L’artiste ajoute une profondeur, l’illusion d’un décor sculpté pour accueillir
d’autres scènes dessinées.
Ses dessins d’architecture rehaussés au lavis nous conduisent vers des espaces, entre la reproduction d’une image et l’invention
d’un décor. Dessus, la gravure sur verre, tel un filtre, crée à la fois une brume et une lumière céleste pour percevoir de nouvelles
formes. Ainsi, un trouble apparait et notre déplacement permet de lire le paysage composé. Ses œuvres convoquent un ailleurs, des images qui circulent dans les livres ou sous format carte postale.
L’artiste crée un écart entre des arbres exotiques et une lumière d’un autre continent.
La végétation apparait telle une structure régulière dans ses dessins. De là, un lien s’établit avec la logique de construction et de planification de l’espace.
De la nature et de l’architecture, ses dessins et gravures convoquent une mémoire, un goût pour l’exotisme, un retour à un monde
perdu. Un déplacement dans le temps s’exprime à partir de ses vues d’architectures étranges, qui paraissent provenir de livres
de dessins, études, plans et détails. Ses dessins font écho à l’Antique, cette époque des mythes et des décors aux multiples symboles.
Ils renvoient à l’importance du fait main, à une transmission des techniques anciennes et incarnent une poétique de la ruine.

En vis-à-vis, trois clés en cuivre et étain présentent une topographie de ville ou de champ. Symbole d’ouverture, cet objet suggère ici l’idée de distance et la trace d’un parcours. Ces sculptures ne seraient-elles pas les clefs de ces bâtisses anciennes, qui continuent de nous inspirer ? Ces œuvres, volumes et dessins dans l’espace, renvoient aussi à des motifs, reliefs dans l’architecture et nous permettent d’accéder à des scènes de théâtre.


Cyprien Chabert propose ici un voyage dans le temps. Ses œuvres nous invitent à observer, à prêter attention aux techniques
anciennes et à d’autres, contemporaines. Telle une énigme à déchiffrer au fur et à mesure de nos déplacements et postures
d’observateur, son exposition conduit à un parcours dans un lieu hors du temps.
Ses œuvres nous font perdre nos repères spatiaux. Cyprien Chabert nous propose un dépaysement à travers une diversité de
formes architecturales. Ce voyage n’en est pas moins l’occasion de déchiffrer des références et de se laisser captiver par ces
espaces nourris d’indices.


Pauline Lisowski

Texte publié pour l’exposition La terre est plate de Cyprien Chabert, galerie Arnaud Faure Baulieu, Paris, du 4 au 14 décembre 2019