Entre art environnemental, projet paysager, design et architecture, la démarche de Catherine Baas nous invite à interroger nos relations à l’espace. De quelle manière créer des lieux de vie où générer une liberté d’usage ? Telle pourrait être la question architecturale présente dans son travail artistique. L’artiste a gardé en elle ses expériences de projets architecturaux. Son regard sur l’espace public l’amène à créer des installations qui ouvrent de nouveaux chemins. Elle emprunte à l’architecte et au paysagiste une méthodologie d’approche du site et travaille en collaboration avec différents professionnels pour mettre en lumière la diversité végétale. La couleur est d’ailleurs choisie en accord avec le lieu, qu’il soit une place publique, un jardin…, en relation avec l’architecture ou avec la végétation. Bleues, ses œuvres semblent être en harmonie avec les teintes de la ville ou du ciel, entre autres. Rouges, celles-ci plus charnelles, attirent notre regard et créent une atmosphère mystérieuse au sein d’un milieu de différents verts, ceux des divers végétaux.
Au Pacifique, en 2000, elle a observé une richesse végétale, des arbres-herbes. Lors de cette période d’un an et demi, elle a aiguisé son attention face aux plantes en pratiquant le dessin botanique. Depuis, ses souvenirs d’une végétation foisonnante et exubérante l’amènent à faire naître des formes organiques, s’apparentant à des lianes, à des ramifications, à des plantes grimpantes. Son geste traduit des intuitions, des sensations, des images des relations entre les êtres vivants.
En 2003, elle réalise un premier jardin en collaboration avec François Delhay, architecte et Jeanne Bouët, paysagiste, lors du festival des jardins du domaine de Chaumont-sur-Loire. Cette expérience fut marquante pour la suite de son travail artistique. L’artiste affine, au fil du temps, l’expression de la vitalité du végétal. Ses installations prennent forme tels des organismes qui se transforment en prenant appui sur d’autres êtres vivants.
D’apparences ludiques, ses œuvres nous invitent à nous interroger sur la notion d’habitat. Leur déploiement au cœur d’environnements met en évidence de possibles occupations de l’espace où le corps y trouve toute sa place. Elles dessinent des cheminements, invitent à les pratiquer, à s’y installer de façon libre, privilégiant l’accueil d’une possible rencontre. Les formes organiques colorées suscitent également l’écriture d’une chorégraphie. Tels des rubans, des lianes, ses œuvres in situ relient des arbres et donnent à voir l’image d’un réseau souterrain. Pour Catherine Baas, l’approche de l’espace architectural et le geste du dessin se complètent. Dans son atelier, elle travaille autant l’esquisse de projets que le dessin d’observation. Pour créer ses œuvres à l’échelle de l’espace, l’artiste maintient une spontanéité dans son geste. Les formes préservent alors une certaine fluidité. Vues d’en haut, ses installations créent des dessins dans l’espace. Celles-ci font référence à un élément du paysage. A Lyon, l’installation Blue confluence, réalisée en 2021, exprime une certaine fluidité, celle des fleuves Rhône et Saône.
Une atmosphère de l’ordre du conte de fées, un univers onirique où exister différemment peut également prendre vie : un moment qui procure en nous de possibles impressions de se sentir accueilli, libéré et rassuré de trouver sa place. Certaines de ses œuvres sont à habiter. S’y loger permet à la fois de se sentir protégé tout comme abrité et de pouvoir observer l’extérieur sans être vu. Récemment, l’utilisation du miroir dans ses œuvres, nous incite à nous fondre dans la nature.
Le jardin est l’espace propice à ces expériences de rencontre, d’être ensemble, de s’accorder avec soi et avec l’autre. Les œuvres de Catherine Baas suscitent un mouvement, celui d’être au plus près de l’arbre pour se donner les moyens et les capacités techniques de contempler et d’être en relation avec la nature. De plus, les expériences de ses installations sollicitent notre déplacement et proposent une diversité de points de vue sur l’environnement. Celles-ci font écho aux folies, ces architectures témoins d’une époque, d’une contrée parfois lointaine. Elles soulignent des circulations courbes, typiques de l’esthétique des jardins anglais. L’univers de l’artiste s’affine notamment par la création de banquets, moment à vivre en commun, parfois hors du temps. D’autres formes architecturales créent des situations étranges, points de départ d’une nouvelle histoire. Les installations nommées à juste titre Souffles s’apparentent à des maisons ouvertes, déconstruites en un mouvement figé : un phénomène rendu visible qui nous invite alors à y prêter de l’attention et à s’interroger.
La métamorphose, la transformation, la compréhension des autres règnes transparaissent au fur et à mesure de ses créations. Si ses premières œuvres nous approchaient au plus près du végétal, d’autres telles que Mimétisme évoquent la thérianthropie, autrement dit la capacité d’un être humain à se sentir végétal.
Ainsi, ses œuvres inspirent à une expérience de l’ordre de l’imaginaire, d’un passage vers un univers hors du temps. Ce basculement vers un monde où nos repères sont modifiés, nous conduit ensuite à vivre différemment notre quotidien. L’imaginaire, le rêve, la méditation, les temps de disponibilité pour s’extraire de la réalité, contribuent à un certain bien-être et à une confiance en soi, aux autres. En somme, les installations in situ de Catherine Baas invitent à se laisser aller à la découverte, à se sentir exister parmi d’autres vivants.
Pauline Lisowski
Mars 2024