À la manière d’une archéologue ou d’une paysagiste, elle développe une approche phénoménologique de l’espace. Pour elle, l’expérience vécue fonde la création. Elle est ainsi une affaire de temps. Pendant près de 10 ans, elle a fait la rencontre d’un étang, aujourd’hui disparu. Au fur et à mesure de son approche de ce (mi)lieu, elle a conservé des traces, l’a redécouvert et a révélé des instants de présence au monde.
L’artiste prête attention aux silhouettes des végétaux qui s’imposent à son regard et traduit de façon subtile ces instants poétiques. Sa série d’œuvres sur papier, Sylve, suggère des racines, des lianes, le vent qui fait frissonner les branches d’arbres. En travaillant par apprêts et par transparence, de la peinture au dessin, Anne-Laure H Blanc fait remonter à la surface la trace des végétaux qu’elle observe et leurs mouvements d’une grande finesse. Le geste fusionne avec le support qu’elle utilise. Ses écritures sylvestres, telles qu’elle les nomme s’apparentent à la fois à de la calligraphie et à des relevés de silhouettes. « J’extirpe de la nature » précise l’artiste. Ses dessins restituent des sensations, des perceptions qu’elle saisit durant ses promenades
Dans Lignes d’ombre, par exemple, elle joue sur la lumière et la transparence. Des glacis de couleurs laissent le regard traverser les matières colorées comme derrière un voile. Chaque panneau est une surface où sont venues se poser les ombres portées des pins qu’Anne-Laure H Blanc a tenté de capturer, cet ensemble constituant un feuilleté temporel. Cette installation condense chaque moment dont le dessin permet de restituer la multitude des instants éphémères.
Le livre d’artiste est également pour cette artiste un espace où elle restitue son expérience du terrain. Elle le considère comme « un espace plastique pour mettre en relation mots et images ». Ce format d’œuvre l’amène à poursuivre son cheminement et à prolonger son contact avec le vivant.
L’esprit du lieu qu’elle cultive, Anne-Laure H Blanc le transmet au travers d’installations in situ. Réalisées à partir d’éléments glanés, celles-ci incarnent la mémoire de l’environnement qu’elle a arpenté et éprouvé. En faisant l’expérience de ses œuvres, le spectateur peut suivre les pas de cette artiste perméable à toutes les émotions et épiphanies qu’offrent les éléments naturels. En utilisant divers formats et techniques, elle nous invite à aiguiser notre regard sur l’impermanence de la nature et les phénomènes les plus infimes.
Pauline Lisowski