Dans son jardin, espace intime, atelier en plein air, Olga Caldas retrouve le plaisir de se fondre parmi la végétation gardée à l’état presque sauvage ainsi que celui de se souvenir de moments passés dans d’autres lieux où ressentir l’énergie des plantes.
Ce lieu, œuvre de la nature et de l’artiste constitue un espace de jeu pour ses créations artistiques.
« Entre passé et avenir, le jardin reste suspendu : ce présent doux et lent, presque éternel, ce temps autre. »[1] écrit Marco Martella.
Les photographies d’Olga Caldas racontent le passage des saisons, le renouveau, l’attente vers la contemplation de nouvelles floraisons.
La mise en scène est la première étape de son travail photographique. Au fil des transformations du jardin, des objets, un lit en fer forgé et des végétaux deviennent les éléments d’un décor. L’artiste dialogue avec les plantes, dont elle prend soin et qu’elle laisse se développer librement.
Ces espèces à la fois cultivées et sauvages enveloppent le corps d’Olga Caldas dans sa série de photographies intitulée L’éphémère.
Comme dans un conte ou dans un rêve, notre perception est troublée. Pris dans un cocon, ce corps féminin semble se protéger et trouver dans la nature des fragments auxquels se raccrocher.
Songeur, endormi, reposé, il est à la fois entouré de ce voile blanc et habillé de presque rien pour accueillir diverses sensations au contact de la nature. Parfois, les végétaux le recouvrent. Ce vêtement la relit à son jardin, telle une seconde peau qui la rend légère.
Une métamorphose s’opère.
« Le cocon est la preuve que la métamorphose est avant tout la relation que nous avons avec nous-même »[2], cette phrase d’Emanuele Coccia fait écho aux mouvements du corps dissimulé par ce voile. Fée ou princesse, cette apparition féminine cherche son chemin à travers les plantes.
L’atmosphère nocturne de cette série photographique procure des sensations ambiguës, un basculement de l’enchantement vers la crainte d’être seule sans lumière.
Avec une part d’insouciance retrouvée dans ce lieu de contemplation, Olga Caldas joue avec les feuillages qui bougent légèrement au grès du vent. Ce qui suggère une tentative de s’ancrer au sol et une volonté de se laisser porter par les mouvements de ce phénomène naturel.
Les contrastes noir et blanc renforcent la dramaturgie des scènes. De même, l’obscurité trouble notre perception du jardin.
Les fleurs inspirent également l’artiste à composer des natures mortes où le végétal exprime la fugacité de la vie, qu’on tente malgré tout de figer et de préserver.
À partir de quatrains dédiés à la rose, écrits par Sarah Jalabert[3], elle réunit un ensemble d’images poétiques dans lesquelles cette fleur incarne le symbole de l’amour, de la pureté et de la fragilité.
Tout un chacun entretient avec le bouquet de fleurs une histoire particulière, un lien affectif avec une personne qui l’aurait offert… La fleur, comme « la Madeleine de Proust », fait surgir des souvenirs et des émotions.
Dans certaines images, la rose caresse le corps, telle une délicate attention. Dans d’autres, le cœur de la fleur est révélé avec tous ses détails, comme si elle était dans l’attente d’être butinée. Elle traverse les photographies de l’artiste comme un repère de son attachement à la nature, lieu de ressourcement, d’émerveillement et source inépuisable d’inspiration.
Les quatrains résonnent en nous comme des pensées, des sensations, des expériences de contact avec cette fleur charnelle, que l’on considère comme éternelle.
Qui n’a pas songé à maintenir la rose dans un état éclatant de vie ?
Regardons ces fleurs d’une grande fraicheur, leur splendeur nous remplit de joie.
Des paysages et des corps songeurs rythment également les mots de l’écrivaine : une invitation à cheminer d’une photographie à une strophe du poème. Ce qui rappelle l’expérience d’une promenade dans un jardin durant laquelle notre regard est incité à circuler pour cueillir des fleurs et y humer leur doux parfum.
Entre ces beautés naturelles photographiées et les quelques lignes qui les rythment, deux regards sensibles se rencontrent.
Olga Caldas poursuit ses créations croisées avec Marie Morel. Une complicité s’instaure entre les deux artistes si bien que l’univers onirique d’Olga se retrouve dans la série LE CLIMAT DES RÊVES DE MARIE ET OLGA, titre donné par le critique d’art de Gilbert Lascault [4].
Dans ses ateliers, et alentours, Marie se livre aisément à toutes sortes d’expériences tactiles au contact d’éléments naturels, avec lesquels elle fait corps. L’artiste peintre, devenue modèle, en parfaite confiance avec la photographe, se laisse guider avec grâce et ses poses semblent être prises sur le vif.
Les photomontages d’Olga Caldas créent des va-et-vient entre intérieur et extérieur, entre le monde de l’artiste et le sien, entre le lieu du travail artistique et celui où vivre une expérience de joie au contact d’une nature familière et protectrice.
Telles des images d’un scénario, ces prises de vue ouvrent de multiples pistes pour s’imaginer toutes sortes d’histoires. Les mots, les personnes, les végétaux font surgir une infinité de dialogues, de relations et de correspondances.
Par leurs textures et la puissance des noir et blanc, qu’elles donnent à voir, ses photographies sont semblables, à s’y méprendre, à des dessins, des gravures, des peintures.
Ainsi, les séries photographiques d’Olga Caldas nous transportent dans un monde intemporel, à la fois éphémère et éternel, paradis perdu et paradis retrouvé.
Puis, à l’occasion d’expositions, elle crée un environnement où les visiteurs sont conviés à se connecter avec une nature jardinée, tel un prolongement de son propre jardin.
Se promener parmi la végétation, y éprouver un retour à la l’oisiveté de l’enfance, au loisir et laisser venir des visions troublées de la réalité ou des sensations parfois oubliées, ces expériences à apprécier pleinement se révèlent poétiquement dans les images d’Olga Caldas : une invitation à la rêverie.
Pauline Lisowski, Paris février 2022
[1] Marco Martella, revue Jardins, n°3, Le temps, Editions du Sandre, 2012, p. 5.
[2] Emanuele Coccia, Métamorphoses, Payot-Rivages, 2020, p. 106
[3] « Quatrains de la Rose » – Sarah Jalabert & Olga Caldas, livre à paraitre en avril 2022 aux éditions Unicité
[4] Préface de Gilbert Lascault du livre Miroir du temps – Olga Caldas, éditions Regard -nov. 2021