Isabelle Bonté-Hessed2
Galerie de la voûte, Paris
19 avril – 12 mai 2018
Le feu est de ces réalités privilégiées qui comptaient – qui comptent encore – parmi les plus chargées de rêves et d’humanité » ( Bachelard in « La psychanalyse du feu »). Isabelle Bonté-Hessed2 sensible à ce problème du feu, à son origine, à sa conquête, à sa valeur, bref, à sa symbolique, est allée sur les traces de ce philosophe, dans une tentative de répondre à la question « Qu’est-ce que le feu ? ».
Comme un hommage, cette exposition commence par des portraits en paraffine de Bachelard. Ces peintures dévoilent la figure du philosophe qui, tel un fantôme, surgit du lointain, par sa présence entre lumière et ombre, entre oubli et mémoire.
Le feu est un élément qui fait rêver ; le feu de cheminée réveille en nous à la fois des peurs et des chaleureux souvenirs. Il est un objet précieux, sacré, digne de respect, un objet que l’on ne doit pas toucher. Alors comment se l’approprier afin de le connaître ?
Point d’orgue de cette exposition, une série de cercles à broder montre cette transformation par le feu de l’ouvrage de Bachelard : des formes noires suggérant des territoires éclatés. Ces pages brûlées de « La psychanalyse du feu » portent l’interrogation autour de cet élément. Le livre brûlé devient matière, et l’acte de brûler, créateur. Chacun peut se réapproprier cet objet, le recomposer et réécrire une histoire. Ainsi qu’est-ce qu’un livre ?
Qu’est-ce que l’acte de lire, comment le définir ?
Une bibliothèque de livres en paraffine, entre parole et silence, poursuit cette interrogation. Le livre dont la forme devient fantomatique, attire l’attention sur sa matérialité, sa densité physique, sa position dans l’espace.
Et alors le feu ? Dans cette exposition, il incarne aussi bien la disparition que la renaissance. Et à travers le cheminement dans ces œuvres, la Galerie de la Voûte est comme habitée, hantée, marquée de signes, de créations dont la brûlure et la paraffine incarnent la force et la fragilité. Un nouveau récit se crée. A la frontière de l’oubli, de la disparition, la galerie, -devenue maison -, renferme des souvenirs, des secrets. Différentes intensités lumineuses, de l’obscurité à la lumière éblouissante, renforcent l’impression d’une métamorphose au cœur des œuvres présentées. Une poésie du simple, du peu, du petit, du profond, – ce rien, ce trois fois rien, qui se risque à devenir le tout de la disparition -, nous emmène vers des œuvres qui ouvrent à des mondes fragiles, en voie d’extinction… se risquant aux confins de la représentation.
C’est ainsi qu’Isabelle Bonté-Hessed2 a conçu son musée de la disparition, son cabinet de curiosité.
Les Pierres de la disparition, nous laissent songer à une matière mystérieuse, précieuse. Ces pierres symbolisent des éléments à conserver, tels des vestiges, des objets de collection, et pourtant, résidus d’un effacement.
Les îles abandonnées témoignent de ces lieux oubliés dont les formes attirent par leur couleur blanchâtre et translucide. De cet effacement progressif, l’artiste les redonne à voir. Elle fait remonter à la surface ces terres enfouies.
Où sont les parfums enivrants des fleurs disparues ?, évoque ces espèces menacées. L’artiste a constitué un herbier, fait d’un embossage à peine visible, pour donner à voir cette disparition et préserver la mémoire de ces plantes.
Au fond du corridor, à l’intérieur d’un livre brûlé, une plante émerge des cendres. Celle-ci rappelle que dans la disparition, un nouveau monde se forme. Et comme nous dit Bachelard “« Tout perdre pour tout gagner. La leçon du feu est claire » (in La psychanalyse du feu).
Le feu d’ Isabelle Bonté-HessedDeux n’est pas une destruction mais une renaissance.. L’objectif n’est pas de faire disparaître mais de faire apparaître autrement.
Ainsi, dans cette exposition, se perçoivent plusieurs stades de transformation, un cycle de la matière au fil du parcours. Les oeuvres, fragments, apparaissent à la fois comme des petits riens, des résidus, des éléments sans importances et comme des formes merveilleuses. Les thèmes : le feu, l’effacement ou le recouvrement, la disparition et la mémoire se manifestent de différentes manières.
Alors rêvons ; rêvons devant ces cendres.
Pauline Lisowski