Régis Perray s’inspire des pratiques du quotidien et des histoires qu’on lui transmet pour créer ses œuvres qui convoquent les usages et les manières d’habiter, de vivre et d’investir son intérieur. Les rituels, les gestes répétés, les objets trouvés et les éléments de la vie de tous les jours y font sens et deviennent attachants. Il se raconte des récits à partir des éléments qu’il s’approprie et crée des installations, des ensembles de pièces qui incarnent la mémoire aussi bien individuelle que collective.
Au Radar, espace dédié à l’art contemporain, à Bayeux, il propose un ensemble d’œuvres qui nous rattachent à des lieux ainsi qu’à des usages à la fois actuels et passés. Son exposition rejoint les notions d’art et de tradition populaire ainsi que le plaisir de prendre soin des objets, de son chez soi. L’artiste réhabilite les savoir-faire, l’ancien et met en évidence avec un esprit de collection, les petites choses qu’on apprécie et qu’on garde comme objets précieux.
Il ressuscite des tableaux anciens et tente de faire apparaître les fantômes du passé. Les Ponsées constitue une série de peintures que Régis Perray collectionne auprès de brocanteurs lors de vides greniers et marchés aux puces. Il prend le temps de les dépoussiérer, de les nettoyer pour laisser apparaître des portraits et leur redonner un éclat. Il a fait du nettoyage une pratique artistique l’amenant à prêter attention aux petits riens, au travail du geste quotidien, au plaisir du soin et de l’expérience de la restauration. L’artiste s’attache également à faire surgir des images du passé et à raviver des souvenirs. La série Les fantômes fleuris révèle des silhouettes blanches, celles de personnes disparues qui apparaissent en lumière. Pour créer ses œuvres, il a projeté des photographies sur du papier peint à motifs fleuris, motif déjà présent dans son installation Le jardin fleuri présentée à l’abbaye de Maubuisson dans le Val d’Oise en 2015. Régis Perray a poncé l’intérieur de l’image du corps pour le faire surgir en creux. À nouveau, l’artiste travaille la surface ancienne pour rendre visible des êtres qui composent ainsi une famille d’anonymes, disparus toutefois incarnés et présents en ce lieu.
Au sol, dans un coin de mur, Régis Perray a inséré une de ses Fleurs de l’Apocalypse. Celles-ci ont pour point de départ l’invitation en 2018 d’Hervé Yannou administrateur du château d’Angers à exposer. Il s’est inspiré de la tapisserie de l’Apocalypse pour créer un ensemble de fleurs en papier peint. Depuis, il diffuse ces fleurs, tel un jardinier, et les fait pousser dans les différents lieux où il expose.
Il y a chez cet artiste une attention aux choses de la vie courante, au domestique, aux rituels qui peuvent personnaliser chaque journée. Les gestes les plus banals deviennent pour lui l’occasion d’un recueillement et d’une contemplation de leur beauté. Les aquavaisselles présentent des taches, traces d’un repas. Régis Perray fixe sur du papier les jus issus des eaux usées de sa vaisselle. Les formes organiques dont les teintes varient selon le repas traduisent le contenu des assiettes. Cette série d’œuvres rejoint les notions d’apparition, de souvenir, de soin présentes dans l’ensemble de son travail. Elle fait également appel à la mémoire, comme si l’artiste voulait garder la trace du moment du repas, de celui de la vaisselle apparaissant alors comme intime et précieux, telle une prière.
Pour cette exposition, il a créé une installation à partir d’un ensemble d’objets et de meubles qu’il collectionne. Dans cet espace, on trouve à la fois des ustensiles des arts de la table, des objets historiques ou encore religieux, d’autres qu’il a chinés dans la région de Bayeux. On peut aussi découvrir des dentelles du conservatoire de Bayeux, accompagnées du nombre d’heures qu’il a fallu pour leur réalisation. D’autres éléments rappellent le monde de l’enfance. Régis Perray fait écho au passé du lieu, ancienne école primaire. En prêtant attention aux objets du quotidien, aux arts populaires et au mobilier ancien, il réhabilite les éléments qui participent de l’histoire familiale ou bien de l’histoire d’une région. Marcheur et fin observateur de son environnement ainsi que des villes qu’il parcourt, il recueille des torchons imprimés et brodés, portraits de communes arpentées. L’objet le plus trivial devient ainsi pour l’artiste signe, trace de son passage ou bien de l’histoire d’une famille ou d’une contrée.
L’espace d’exposition lui a également permis de produire un ensemble d’œuvres qui rappellent le goût pour la vaisselle ancienne, un art de la table parfois rattaché à une région. À partir de vases et de carafes, il compose de nouvelles pièces qui incarnent un art verrier revisité.
Cette exposition rend hommage aux gestes et objets du quotidien ainsi qu’aux personnes qui marquent l’existence de chacun. Nous sommes invités à repenser aux choses les plus simples de la vie et aux éléments auxquels on s’attache. Régis Perray nous rend attentif aux instants et aux actions désuètes et nous conduit à prendre le temps d’y prendre conscience avec tout l’art de la patience. Au cœur de sa pratique artistique émerge l’exigence d’un travail appliqué et la sensibilité envers l’ancien et ce qui fonde nos habitudes.
Pauline Lisowski
Une exposition à découvrir jusqu'au 20 septembre
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série Les fantômes fleuris, 2013-2020, crédit Laurent Lachèvre