L’abbaye d’Auberive est un lieu qui nous invite à remonter le temps. La famille qui en est depuis propriétaire en a fait un lieu dédié à l’art contemporain. Chaque été, à partir de leur collection, Jean-Claude Volot et sa fille Alexia Volot tissent des relations entre des artistes pour concevoir une exposition.
Cristine Guinamand, Kamel Khélif et Sam le Rol conteurs d’histoires sont ici réunis pour nous faire partager leur monde.
Les peintures de Cristine Guinamand nous transportent dans des paysages à la fois merveilleux et quelques peu inquiétants, sorte de paradis perdu. « Le végétal et le monde animal, si malmenés, reste une de mes préoccupations, ces peintures sont un peu comme une piqure de rappel de ces beautés si fragiles qui disparaissent, éloge d'un monde qui s'écroule. » Précise-t-elle. Par l’utilisation des couleurs vives et du noir, elle compose des espaces hors du temps. On peut y desceller de nombreuses références à l’iconographie de différents courants artistiques, fresques romaines, peintures des loges au Vatican, paravent japonais. Ses peintures s’intègrent dans les différentes salles telles des fresques…
Des œuvres posées sur des tables se découvrent comme des livres qui invitent le spectateur à découvrir l’envers et l’endroit et à s’imaginer ses propres histoires. « Ne pas laisser voir dans son immédiateté une œuvre tel est mon désir, est-ce un livre fixe ?, une possibilité de paravent ?, une sculpture ? une peinture ? en donnant des pièces hybrides pour éviter une définition précise de ce qu'il se passe laissant ainsi celui qui est devant avec son propre imaginaire même si les "références" sont souvent très précises. » explique Cristine Guinamand au sujet de sa manière de peindre.
L’artiste expérimente des techniques de transformation de sa peinture et de son support. L’utilisation d’agrafes et de pièces de puzzle convoquent l’idée de destruction et de réparation.
Sa série des Hangars est ici présentée comme un long travelling tels qu’on cheminerait le long d’une route pour les découvrir. Elle a choisi un format rappelant celui de cette architecture marquée de traces, d’une mémoire. « Nés de superpositions de plusieurs images et idée, la forme d'un cercueil de 14-18 dans un documentaire (ce qui va donner cette "tranche de médium" peint, lui-même constitué de deux parties, les structures de hangars agricoles, échos aux chemins de croix (symboliquement et acte "dévotionnel"), et le nombre 40 pour les mises en quarantaine. L'ensemble des 40 pièces, les unes contre les autres, reconstituent dans l'idée la forme d'un cercueil de 14-18. Chacun de ces bâtiments est comme marqué par le temps où des présences fantomatiques surviennent. » explique-t-elle.
Sur un grand mur est accrochée une série de petits formats. Cette composition offre aux spectateurs l’occasion de composer leurs propres cheminements.
L’art de Cristine Guinamand condense différentes références tout en laissant au spectateur sa part d’imaginaire. Ses œuvres convoquent les relations entre peinture et sculpture, renvoient aux formats du polyptyque et du diptyque et proposent un va-et-vient de l’unité au décomposé et de l’ensemble au tout.
Kamel Khélif, conteur de l’exil, transmet une mémoire personnelle entremêlée à des situations de son quotidien. Il est arrivé d’Algérie avec sa famille à Marseille à l'âge de 5 ans et a d’abord vécu dans les bidonvilles des quartiers nord de Marseille avant d’habité dans les premiers HLM. De son premier métier de dessinateur industriel, il est devenu animateur de quartier avant de se consacrer pleinement à sa pratique artistique. Ses dessins présentent un espace entre-deux, où les personnages appartiennent à la fois à leur pays d’origine et à leur lieu de vie. Sa technique d’une grande finesse, trait d’encre de Chine, hachurage sur des fonds en camaïeux de bruns et d’ors nous conduit à suivre ses histoires où apparaissent ses personnages parfois fantomatiques. Les effets de superposition et de transparence nous permettent d’appréhender des situations difficiles avec douceur. Ses œuvres nous montrent des moments d’attente, des scènes de vie urbaines, du quotidien, plongées dans des atmosphères nocturnes et pourtant lumineuses. Il témoigne de ce qu’il perçoit de la ville, des conditions de vie tout en mêlant sa culture d’origine. Sa dernière série, Même si c'est la nuit, 98 planches est également présentée.
L’abbaye d’Auberive a récemment recueilli et préservé une partie de la collection du Galion, le plus « beau musée de coquillages ». Son histoire est l’œuvre de Sam le Rol et de son fils Alain qui perpétua cette création du mieux qu’il le pouvait. En 1965, Sam le Rol a commencé à transformer une péniche désaffectée en Galion du 17ème siècle. Située dans la baie du Bégo près de Plouharnel dans le Morbihan, il en a fait dès 1973 un lieu de création et en fait un musée de créations en coquillages. À partir de ces éléments trouvés sur les plages de Bretagne, il a développé un savoir-faire pour créer des sculptures monumentales, d’une extrême finesse, des villages miniatures, tableaux sous-marins, un univers qui fait rêver, des références aux histoires de l’enfance, voyages exotiques chez les sultans, évocation du Far West ou villages bretons anciens. Ses créations tiennent à la fois du kitsch et d’un grand raffinement. Elles font écho à celles de l’univers de Picassiette et du Facteur Cheval. On imagine l’extrême patience qu’il a entrepris pour les réaliser. À l’abbaye, ses œuvres trouvent un nouvel écrin sur des socles conçus pour l’occasion et s’intègrent à l’architecture.
Pauline Lisowski
Une exposition à découvrir jusqu'au 29 septembre
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Cristine Guinamand, Le silence des hommes, huile sur toile, 312 x 265 cm, 2018, Fonds de l'abbaye d'Auberive
Cristine Guinamand, Sans titre, Huile, puzzle, métal et collage sur médium, 54 x 61 x 22 cm, 2018 (Recto), atelier de l'artiste
Cristine Guinamand, Là-bas, tryptique, huile et gravure sur médium, 205 x 238 cm, 2013-2018, atelier de l'artiste
Kamel Khélif, Meme si c'est la nuit, planche, huile et rotring sur papier, 42 x 30 cm, photo Mohamed Brahmi, Atelier de l'artiste
Kamel Khélif, Meme si c'est la nuit, planche, huile et rotring sur papier, 42 x 30 cm, photo Mohamed Brahmi, Atelier de l'artiste
Sam Le Rol, Le départ de Cendrillon au bal (détail), coquillages, fonds de l’abbaye d’Auberive, photo Eric Girardot