Quoi de mieux que les volumes de la galerie Ropac, à Pantin pour accueillir une exposition consacrée à l’art minimal américain. Les œuvres de Carl Andre, Dan Flavin, Donald Judd, Sol LeWitt, Robert Mangold et Robert Morris engagent le visiteur dans un rapport physique au lieu. Celles-ci ont la particularité de s’inscrire en relation avec l’architecture, au sol, sur les murs, dans des angles, redessinant des lignes et diffusant leurs couleurs.
Cette exposition offre une relecture de l’art minimal, ce courant qui a bouleversé les codes traditionnels de présentation de la sculpture et l’engagement du spectateur vis-à-vis d’elle. Elle s’inscrit dans l’histoire débutée avec la présentation des œuvres d’art minimal de la collection d’Egidio Marzona lors de l’ouverture de la galerie de Londres en 2017. Le titre « Monumental Minimal » ouvre de nouvelles perspectives pour aborder le rapport de ces pièces au monument. Celles-ci ont renversé les notions associées à la sculpture classique.
En entrant dans la première salle, une œuvre de Dan Flavin attire le regard au loin. Constituée de tubes fluorescents blancs, agencés en escalier, elle évoque le colossal Monument à la Troisième Internationale conçu par Tatlin en 1920 et demeuré à l’état de projet. Au sol, l’installation de Carl Andre convoque une traversée infinie. Admirateur de Constantin Brancusi, la Colonne sans fin, 1918, a inspiré la dimension modulaire de ses propres œuvres. Ici, il propose un chemin composé de plusieurs unités de différents matériaux. Copper Blue Vein suggère à la fois une limite et une traversée.
Dans la seconde salle, Le Wall Drawing #1176 Seven Basic Colors and All Their Combinations in a Square within a Square (2005) de Sol LeWitt a été recréé spécifiquement pour l’exposition avec l’aide de l’Estate Sol LeWitt. Cette œuvre rend hommage aux compositions de Josef Albers, pionnier du Bauhaus. Elle propose un va-et-vient du regard et un jeu d’esprit d’association de couleurs. Au centre, l’installation Bar de Carl André, réalisée à partir d’un assemblage de bloc de sapin de Douglas, traverse l’espace et invite le spectateur à la contourner. Ces deux œuvres, composées d’unités, se répondent tout en sollicitant le visiteur dans son déplacement.
Les pièces en aluminium anodisé et plexiglas de Donald Judd, combinaisons de plusieurs éléments identiques accrochés au mur, se découvrent selon les angles de vue du visiteur durant son passage. L’artiste ne considère ses œuvres ni comme des peintures ni comme des sculptures mais davantage comme des « objets spécifiques », selon le concept défini dans son manifeste de 1965. Robert Morris s’intéresse lui aux caractères des matériaux pour donner forme à ses pièces, ici en feutre et métal, entre structure et souplesse, dont la posture joue sur la tenue, l’équilibre avec l’espace. Les œuvres trouvent ici la place nécessaire aux visiteurs pour des expériences optiques.
Robert Mangold a découvert dans l’œuvre de Piet Mondrian, des peintures dont la particularité était de résister à l’épreuve du temps. Ses peintures acryliques sur lesquelles il dessine d’autres formes convoquent les relations entre superpositions, traversées, relations entre des lignes et figures, entre intérieur et extérieur. Au centre d’une des salles, 123454321 (+) de Sol LeWitt convoque la multiplicité, l’infini des possibles.
Ces artistes ont déplacé les champs de la sculpture et de la peinture pour aborder celui de l’espace physique. Leurs œuvres sont à vivre et se livrent au regard durant un temps long. Elles interagissent avec le spectateur qui en fait l’expérience, dans des allers-venus, de loin, de près, à distance…
Une exposition à découvrir jusqu'au 27 avril à la galerie Thaddaeus Ropac de Pantin.