"Ni oiseau ni insecte, feuille, bulle ou branche… Rien n'échappe au piège du regard.", cette phrase qui sert de titre à cette exposition correspond à ce qu’offre l’expérience des peintures de Lucia Laguna. L’artiste représente ce qui l’entoure, son espace quotidien, de la vue vers l’extérieur jusqu’à des natures mortes, compositions dans son atelier. Celles-ci combinent une multitude d’éléments organiques et vivants, faune et flore qui s’accumulent et constituent son environnement quotidien. Elles relèvent d’un procédé d’accumulation, de superposition et de collages. En effet, Lucia Laguna travaille sur une peinture au préalable réalisée par l’un de ses assistants sur un sujet décidé ensemble. Cette démarche artistique lui permet d’interroger la question de l’auteur même de l’œuvre d’art.
Ses peintures montrent des paysages à la fois chaotiques et structurés. Lucia Laguna traduit l’étendue et la complexité de Rio de Janeiro, la ville où elle réside, ainsi que la riche végétation qu’elle observe avec attention. L’éclatement des formes, la gestualité picturale amènent une vibration, une vivacité, qui font écho au rythme et à l’énergie qui règnent dans l’espace urbain. Des lignes dessinent des structures qui suggèrent l’architecture et un équilibre se crée par ces tracés. L’artiste combine des éléments figuratifs, des aplats amples et des zones presque blanches. Les limites entre l’intérieur et l’extérieur se dilatent alors. Le foisonnement de couleurs renvoie à l’atmosphère lumineuse, à la multitude et à la diversité des espèces naturelles qui peuplent les paysages du Brésil. Ses peintures présentent un aspect fini, non fini et amènent vers un espace qui n’en finit pas de s’ouvrir et de conduire le regard encore plus loin. La végétation s’entremêle dans l’architecture, ce qui provoque une sensation de perte de repères.
Des œuvres plus petites évoquent des zooms, des fenêtres, cadrages, à partir de ces grands paysages. Lucia Laguna remploie également les scotchs utilisés pour ses peintures comme outil pictural. Les traces de celles-ci deviennent matériaux pour de nouvelles compositions abstraites. Cet accrochage inspire le visiteur à passer du temps à établir des connexions entre les pièces. De salles en salles, il découvre l’étendue de la pratique de l’artiste brésilienne qui nécessite de se laisser porter par les cheminements qu'elle propose, comme dans un jardin ou une forêt.
Ainsi, ses peintures incarnent le temps, des couches successives d’images, de souvenirs de lieux vus et traversés. Elles invitent à une promenade à travers un espace dense en feuillages, couleurs et textures qui conduisent à rêver. Elles jouent sur un mouvement permanent, sur le temps long, pour observer la multitude d’éléments qui composent ses œuvres.
Une exposition à découvrir absolument jusqu’au 12 janvier à la galerie Karsten Greve
Pauline Lisowski
Lucia Laguna, Paisagem #107, 2018, Acrylique et huile sur toile,170 x 210 cm, Courtesy Galerie Karsten Greve Paris, St. Moritz, Cologne and Fortes D’Aloia & Gabriel, São Paulo / Rio de Janeiro Photo credits : Everton Ballardin
Lucia Laguna, Jardim #42, 2018, acrylique et huile sur toile, 130 x 180 cm, Courtesy Galerie Karsten Greve Paris, St. Moritz, Cologne and Fortes D’Aloia & Gabriel, São Paulo / Rio de Janeiro, Photo credits : Everton Ballardin