L’art dans les chapelles : Un circuit art contemporain dans des lieux patrimoniaux

Depuis 1992, l’art dans les chapelles est devenu le rendez-vous artistique estival du territoire de Pontivy, dans le Morbihan (Bretagne).

Projet de territoire, ce parcours artistique invite à cheminer à la rencontre d’œuvres dans ces lieux historiques. L’actuel directeur artistique poursuit le travail entamé par Karim Ghaddab, avec une volonté de sa part d’ouvrir à des artistes internationaux. Il affirme son intérêt de « faire rencontrer des œuvres d’art contemporain dans des lieux à la charge symbolique forte, qui inspire au respect et au silence »[1]. Amateurs, spécialistes de l’art contemporain, habitants du territoire ou passionnés par le patrimoine peuvent ici se rencontrer.

Dans les bains douches, à Pontivy, ville carrefour des différents circuits, une exposition réunit les œuvres des quinze artistes invités cette année. Ce qui offre un aperçu de la diversité de leurs pratiques. Trois parcours à travers les communes du territoire nous conduisent à nous arrêter de site en site pour apprécier le patrimoine que constitue l’ensemble des chapelles. Chaque circuit nous amène à entrer dans ces lieux soit pour leur particularité architecturale, soit pour faire l’expérience de l’œuvre d’un artiste. Éric Suchère le directeur artistique leur a confié une chapelle. Ils y ont vu l’opportunité de proposer une œuvre en fonction de ce qu'ils percevaient et de l’atmosphère qu’ils ressentaient.

Récits d’expériences suite à deux parcours…

Kacha Legrand a installé un ensemble de sculptures cylindriques blanches, à même le sol, telles des présences fantomatiques qui suggèrent un potentiel mouvement. Ses collages de couleurs rouges font écho aux ouvertures. Elle a également conçu des œuvres qui répondent aux lieux. Deux formes font référence aux clés de Saint-Pierre et font écho aux motifs des fenêtres de la chapelle Saint-Drédeno.

Clément Cogitore propose une vidéo Porteur et une photographie dans la chapelle Sainte-Noyale, au décor chargé. La première présente un personnage dans le vide. Dans la seconde, il disparaît pour laisser place à un espace méditatif dans lequel le spectateur peut se perdre.

Jean-Luc Moulène a travaillé sur l’ensemble de l’architecture de la chapelle Notre-Dame-de-Joie pour composer une nouvelle structure, jouant sur un désaxement de l’espace. Il insère ici de nouveaux signes qui créent d’autres directions de regard. De l’extérieur vers l’intérieur, l’artiste repense l’organisation de ce lieu.

Dans la chapelle Notre-Dame-des-Fleurs, Agnès Geoffray nous invite à prendre le temps d’écouter un conte fondé sur une légende bretonne, puis une projection d’images nous conduit à faire le lien et à se laisser porter par le récit, à méditer. Une photographie s’ajoute à cette installation où bande son et vidéo se découvrent par intermittence.

Les dessins au crayon argenté et à l’encre de Chine de Thomas Müller captent notre regard par la lumière qu’ils renvoient dans la chapelle Saint-Jean. Un ensemble de dessins de petites dimensions font face à deux grands dessins, qui répondent aux vitraux. « Chaque dessin est réalisé de la même manière, avec des traits argentés qui se rejoignent sur deux points de focalisation. Malgré cela, aucun n’est identique dans son exécution. » explique l’artiste. Ainsi, deux rapports d’échelle dans ces dessins renforcent la perception de l’espace.

Les monochromes de Gilles Teboul ponctuent la chapelle Saint-Nicolas et répondent aux couleurs de ces carreaux de vitraux. « J’ai été frappé par l’équilibre contrarié de cette architecture, qui affiche ses diverses modifications passées. Celle-ci entrait en résonance avec mon travail, au centre duquel résident des déséquilibres. » précise-t-il. Ses peintures rythment le parcours de l’espace et elles rayonnent par la lumière qu’elles renvoient.

Claire Chesnier propose trois œuvres qui amènent le visiteur à se déplacer attiré par la lumière qui modifie leur perception. Au mur, au sol et dans l’espace, ces pièces nous invitent à plonger dans ses couleurs qui se transforment au gré de la journée. L’artiste propose ainsi dans la chapelle de la trinité de faire l’expérience de la lumière.

Isabelle Ferreira a installé plusieurs superpositions de matériaux, tels des reliques, des éléments venant se poser à même le sol. « J’ai choisi d’organiser une construction visuelle en perspective qui s’appuie sur l’architecture afin de créer un équilibre harmonieux et spirituel avec l’espace. » dévoile l’artiste. Des petites œuvres colorées viennent se fondre dans les pierres de cette bâtisse. L'artiste souligne les différents éléments de la chapelle et nous invite à prendre le temps de regarder.

Roxane Borujerdi a peint des formes abstraites colorées qui incitent le visiteur à faire circuler son regard dans tout l’espace de la chapelle Saint-Tugdual. Au sol, des carreaux de céramiques colorées s’ajoutent à cette diversité d’aplats de couleurs.

Estèla Alliaud a créé des jeux de reflets et d’opacité dans la chapelle Notre-Dame-Du-Guelhouit. Deux panneaux de verre, explique-t-elle « contiennent le geste même de la sculpture réduit à son minimum : le passage du plan au volume. » Selon notre emplacement, son architecture se reflète et une sensation d’infini surgit. Son intervention nous incite à nous déplacer pour percevoir l’espace de façon différente et à nous laisser nous surprendre par les effets visuels produits.

Ces circuits permettent également de pénétrer à l’intérieur de chapelles à l’architecture et au décor remarquable, certaines étant classées. L’art contemporain dialogue avec l’histoire et les particularités de chaque chapelle

Cet été, un partenariat est établi avec le domaine de Kerguéhennec. Marc Couturier a investi la Chapelle de la Trinité avec un grand dessin mural qui répond à l’environnement naturel, cadré par la porte. Cinq Vitrophanies, dont le motif est une feuille d’aucuba, ajoutent une lumière d’un vert intense. À l’extérieur, dans un bloc noir posé au sol, nous pouvons nous approcher et nous interroger sur la présence d’un morceau d’aérogel, une matière utilisée par le CERN et la NASA pour récupérer la poussière d’étoile et mesurer les neutrons. Cet ensemble d’œuvres nous engage à méditer, à rêver et à se laisser porter par un espace cosmique, infini.

Le rapport au temps de l’expérience esthétique de l’art contemporain est un des enjeux pour Éric Suchère. Pour lui, ce projet implique la durée, celle des parcours, celle de l’approche de l’œuvre d’art et celle des environs de la chapelle.

Ainsi, l’art dans les chapelles propose des expériences d’espaces, aussi bien transformés par des artistes que simplement dû à la puissance architecturale. Entre des arrêts à la rencontre de l’œuvre d’art, des chapelles dans des environnements insolites s’offrent à ceux qui décident de prendre le temps. Pour profiter de la totalité des circuits, réserver deux demi-journées, des parcours qui à chaque étape permettront d’apprécier un site pour son architecture et son environnement.

Pauline Lisowski

 


[1]  Entretien avec Éric Suchère le 31 août 2019.

Assemblages, 2019, papiers assemblés, 29 x 29 cm chacun.   Clés, 2019, plaques MDF assemblées et peintes, 10 x 28 x 4,5 cm chacune.   Cylindres, 2016/2019, installation d’un ensemble de 10 sculptures, plaques MDF assemblées et peintes, dimensions variables. ¬  Élément hybride, 2019, plaques MDF assemblées et peintes, 55 x 80 x 12 cm, de Kacha Legrand, chapelle Saint-Drédeno, Saint-Gérand. L'art dans les chapelles, 2019 © Adagp, Paris 2019 Photo : Aurélien Mole

Assemblages, 2019, papiers assemblés, 29 x 29 cm chacun. Clés, 2019, plaques MDF assemblées et peintes, 10 x 28 x 4,5 cm chacune. Cylindres, 2016/2019, installation d’un ensemble de 10 sculptures, plaques MDF assemblées et peintes, dimensions variables. ¬ Élément hybride, 2019, plaques MDF assemblées et peintes, 55 x 80 x 12 cm, de Kacha Legrand, chapelle Saint-Drédeno, Saint-Gérand. L'art dans les chapelles, 2019 © Adagp, Paris 2019 Photo : Aurélien Mole

20-30-40, 2019, bois peint, 47,5 x 90 x 11 cm.   Colonne déviée, 2019, bois peint, 24 x 24 x 120 cm.  Grande échelle, 2019, travail in situ, tissu. ¬  Porte rouge, 2019, bois peint, 2,5 x 5 m. ¬  Poutres rouges, 2019, travail in situ, bois, dimensions variables. ¬  S.T. 033, 2018, feuille d’or et encre, 61 x 46 x 5 cm. ¬  Time pièce, 2019, encre sur papier imprimé, encadré, 32 x 27 x 2,5 cm, de Jean-Luc Moulène, Courtesy de l’artiste et galerie Chantal Crousel, Paris, Chapelle Notre-Dame du Gohazé, Saint-Thuriau L'art dans les chapelles, 2019 © Adagp, Paris 2019 Photo : Aurélien Mole

20-30-40, 2019, bois peint, 47,5 x 90 x 11 cm. Colonne déviée, 2019, bois peint, 24 x 24 x 120 cm. Grande échelle, 2019, travail in situ, tissu. ¬ Porte rouge, 2019, bois peint, 2,5 x 5 m. ¬ Poutres rouges, 2019, travail in situ, bois, dimensions variables. ¬ S.T. 033, 2018, feuille d’or et encre, 61 x 46 x 5 cm. ¬ Time pièce, 2019, encre sur papier imprimé, encadré, 32 x 27 x 2,5 cm, de Jean-Luc Moulène, Courtesy de l’artiste et galerie Chantal Crousel, Paris, Chapelle Notre-Dame du Gohazé, Saint-Thuriau L'art dans les chapelles, 2019 © Adagp, Paris 2019 Photo : Aurélien Mole

Sans titre, 2018-2019, crayon de couleur, encre de Chine et acrylique sur papier, 7 dessins de 29,7 x 21 cm chacun 2 dessins de 255 x 183 cm chacun, de Thomas Müller, L'art dans les chapelles, 2019, photo : Aurélien Mole

Sans titre, 2018-2019, crayon de couleur, encre de Chine et acrylique sur papier, 7 dessins de 29,7 x 21 cm chacun 2 dessins de 255 x 183 cm chacun, de Thomas Müller, L'art dans les chapelles, 2019, photo : Aurélien Mole

Prendre le large, tenir la longueur, 2019, peinture murale à la craie et carreaux de faïence émaillée,  7,44 x 4,25, 6,41 x 4,30 et 7,44 x 4,35 m, de Roxane Borujerdi, chapelle Saint-Tugdual, Quistinic. L'art dans les chapelles, 2019  Photo : Aurélien Mole

Prendre le large, tenir la longueur, 2019, peinture murale à la craie et carreaux de faïence émaillée, 7,44 x 4,25, 6,41 x 4,30 et 7,44 x 4,35 m, de Roxane Borujerdi, chapelle Saint-Tugdual, Quistinic. L'art dans les chapelles, 2019 Photo : Aurélien Mole

Sans titre 2322, 2399, 2404, 2406, 2417, 2418, 2420, 2421, 2465, 2648, 2649, 2659, 2660, 2662, 2668, 2678 et 2680,  2018-2019, acrylique et résine sur toile, dimensions variables, installation de Gilles Teboul, chapelle Saint-Nicolas, Saint-Nicolas-des-Eaux, Pluméliau L'art dans les chapelles, 2019.  Photo : Aurélien Mole

Sans titre 2322, 2399, 2404, 2406, 2417, 2418, 2420, 2421, 2465, 2648, 2649, 2659, 2660, 2662, 2668, 2678 et 2680, 2018-2019, acrylique et résine sur toile, dimensions variables, installation de Gilles Teboul, chapelle Saint-Nicolas, Saint-Nicolas-des-Eaux, Pluméliau L'art dans les chapelles, 2019. Photo : Aurélien Mole

L’Envers, 2019, verre miroir et verre sablé, 275 x 137 cm pour chaque panneau, installation d'Estèla Alliaud, chapelle Notre-Dame du Guelhouit, Melrand, L'art dans les chapelles, 2019 ©  Photo : Aurélien Mole

L’Envers, 2019, verre miroir et verre sablé, 275 x 137 cm pour chaque panneau, installation d'Estèla Alliaud, chapelle Notre-Dame du Guelhouit, Melrand, L'art dans les chapelles, 2019 © Photo : Aurélien Mole