Dans l’architecture organique et composite du Puzzle, l’exposition « Paysages » réunit des artistes qui révèlent leur relation à la nature et à l’environnement. L’expérience du paysage est appréhendée avec soin, engagement et annonce un renouveau des pratiques au contact des éléments naturels.
Attentif aux êtres vivants qui habitent les espaces en friche et les lieux entre nature et urbanité, François Génot met en lumière les tracés des insectes xylophages sur le bois. En donnant à voir ces marques creusées, l’artiste témoigne de la vie de ces animaux qui se nourrissent de l’écorce de certains bois. Les œuvres Reading the livings, à l’encre noire sur papier japon, restituent les empreintes des chemins parcourus et font suite à ses œuvres où il témoignait déjà de l’action de ces insectes qu’on a l’habitude de qualifier d’invasifs et de destructeurs. Au-delà des lignes et de l’écriture produites par ces êtres qui ont besoin des arbres pour vivre, ses œuvres renvoient au cycle du vivant et nous amènent à envisager des cohabitations entre les hommes, les végétaux et le monde animal. À leurs côtés, nous pouvons admirer six estampes d’Hiroshige, maître de la représentation du paysage à l’époque Edo. Cette mise en relation révèle combien ce thème traverse le temps et les contrées. Cette œuvre crée un ancrage avec l’histoire de l’art et celle consacrée à ce genre dont les artistes de nos jours continuent à en faire leur terrain d’exploration.
Dans la bulle du forum, l’installation Mass #2 de Kris Verdonvk propose un espace à la topographie mouvante qui se transforme selon un rythme lent. La contemplation et l’attention aux microphénomènes dans le paysage sont ici convoqués. L’œuvre est une ode aux mouvements qui modifient finement et dans le temps les terrains. Elle renvoie à la géologie et aux bouleversements que subissent progressivement les milieux naturels.
Dans la salle noire, les peintures d’Olivier Masmonteil montrent des horizons colorés qui condensent des lumières de paysages. L’artiste unit deux approches de l’expérience et de la peinture de ce sujet qui traverse l’histoire de l’art, l’une occidentale et l’une orientale. Il réinvente de nouvelles manières de représenter les éléments naturels ainsi que les vues lointaines. L’arbre est pour lui métaphore du corps humain qui se transforme les années passant. Dans cette pièce sombre, ces toiles irradient d’autant plus de leurs couleurs lumineuses.
L’installation Paraciel de Nicolas Tourte composée de parapluies sur lesquels sont projetés des nuages invite au rêve et donne envier de songer à nos souvenirs d’enfant. L’œuvre suggère le cycle temporel et nous conduit à regarder autrement la beauté des éléments naturels furtifs. Elle rappelle le caractère éphémère des instants magiques par leur fragilité.
L’œuvre vidéo Présage d’Hicham Berrada propose un voyage au cœur de la croissance de matières organiques colorées. Plongée dans un monde composé d’éléments chimiques, elle nous offre un moment de pause, de contemplation d’une vie nouvelle. Son processus est tout aussi important que le résultat et témoigne de notre envie de percevoir des phénomènes extraordinaires qui arrivent rarement.
Encadrée par les deux peintures de forêt de Noël Varoqui, l’œuvre Les suspendues de François Génot est un hommage aux formes des éléments naturels qui terminent leur floraison. Séchés, fixés, assemblés, l’artiste les redresse autrement pour construire une couronne, une hutte, une protection tout en incarnant la force des espèces rudérales capables de pousser dans les terrains les plus pollués. Il sollicite notre regard plus attentionné vers les plantes qui ont acquis des capacités d’adaptation à des milieux difficiles et marqués par la présence de l’homme. Sa vidéo Sketchbook offre des moments d’éveil face à la nature qui nous entoure. L’artiste nous invite à nous ouvrir au monde et aux éléments vivants qui habitent à proximité des lieux que nous parcourons au quotidien.
À découvrir également les installations du studio onformative, du collectif AV Exciters ainsi que les photographies de Thibault Brunet. Ce photographe s’attache à recomposer les ruines de cités suite au conflit en Syrie par un travail de l’image et de photogrammétrie, méthode utilisée par les cartographes.
L’ère anthropocène dans laquelle nous sommes entrés nous amène à envisager différemment notre relation aux êtres vivants et aux conditions de vie des espèces au fil des années. Les artistes observent les bouleversements climatiques et sont témoins des paysages meurtris, de leurs couleurs changeantes et des adaptations des plantes.
Cette exposition de rentrée nous inspire à garder espoir, à prendre soin de la nature et à ouvrir notre conscience sur les dimensions imperceptibles de notre environnement. La scénographie renforce l’expérience esthétique avec une diversité d’atmosphères et de sources lumineuses jusqu’à l’obscurité.
Pauline Lisowski
Une exposition à découvrir absolument jusqu'au 7 novembre au Puzzle, Thionville (57)
Une co-production Puzzle & Centre Jacques Brel Du 24 septembre au 7 novembre 2020 L’Homme face à la Nature, entretient un lien ambigu entre volonté de contrôle, d’éloignement, mais aussi un bes…
https://www.puzzle.thionville.fr/fr/evenement/exposition-paysages
François Génot, Reading the livings (Étude du chemin du 18 octobre), 2020, encre noire sur papier japon, dimensions variables, son, Crédit photo : Ville de Thionville / S. Thévenin
Hicham Berrada, Présage, 2018 Vidéo couleur issue de performance Bécher, produits chimiques, caméra et projection en direct 18 min. 51 sec, Crédit photo : Ville de Thionville / S. Thévenin
Nicolas Tourte, Paraciel, 2009 Installation Vidéo, dimensions variables, Crédit photo : Ville de Thionville / S. Thévenin