« L’homme de Vitruve » est aujourd’hui connu comme le nom donné au dessin intitulé Etude de proportions du corps humain selon Vitruve, réalisé par Leonard de Vinci en 1492. Celui-ci fut
l’objet d’un emblême pour Manpoxer, puis d’un logo. Le titre fait alors référence à la mémoire ouvrière, ses savoirs-faire et ses luttes. Elles est en échos avec la mémoire du lieu car le Credac
est le site de l’ancienne Manufacture des oeillets. C’est aussi là que s’est installée une école d’architecture et d’arts graphiques. Le travail y a pris une place importante et le monde ouvrier
également. Aujourd’hui, c’est aussi comme le site d’une sorte d’usine de créativité et d’innovation en matière d’art et de technique. La mémoire des lieux est fortement présente au travers de
l’architecture, qui fut peu remodelée.
L’exposition se fait donc dans un lieu qui fait déjà penser au
monde de l’usine et du travail. Les grandes salles sont ouvertes sur la ville par des grandes baies vitrées et semblent froides, d’un blanc immaculé. La visite s’ouvre avec le film des frères
Lumières Usines Lumière. Les objets de grèves, série photographique de Jean-Luc Moulène rentrent en échos avec cette vidéo et imposent un certain militentisme. Mircea Cantor a
fait intervenir des ouvriers pour effectuer son geste artistique fort. Jannis Kounellis évoque un autre type de travail, celui du charbon. Son installation (photo ci-contre) est subtile et d’une
grande force, comme si les ballots noirs montés sur socle rappelaient la dure mémoire des mines des industries de charbon. Jorge Satorre propose aussi une installation, mais plus conceptuelle.
Dans la deuxième salle, on peut voir le travail photographique de Bernd et Hilla Becher qui ont dressé un inventaire photographique des sites désaffectés de la révolution industrielle, une vidéo
de Harum Farocki et une oeuvre de Richard Serra, métaphore de la chaîne de fabrication. Le travail de Thu Van Tran, artiste vietnamien est très conceptuel et fait appel à une mémoire collective.
La jeune artiste Bertille Bak a dressé au stylo bille noir un invetaire de maisons de corons. L’exposition se clôt avec les oeuvres de Alexander Gutke, de Simon Boudvin et les installations de
bibliothèques de Louise Hervé et Chloé Maillet. Boris Taslitzky rappelle l’histoire d’Ivry dans une peinture de 1937 et Jacques Faujour fait lui aussi référence au Val-de-Marne et à aux loisirs
productifs dans ses photographies noir et blanc. La deuxième oeuvre de Bertille Bak fait échos aux chaînes de production ; son film en noir et blanc met en scène des enfants qui mêlent le jeu et
le travail.
Les oeuvres font référence au travail mais sous des angles d’attaque différents, du dessin à la photographie d’inventaire, à l’installation et à l’oeuvre très conceptuelle en passant par la vidéo
militante. Les artistes portent leur regard sur la mémoire de l’usine, du monde ouvrier, de ses infrastructures. Ils cherchent à reveiller en nous une certaine mémoire. On peut parfois
s’identifier avec les productions, qui font aussi échos au lieu, à la ville d’Ivry-sur-Seine. Mais certaines demandent d’être explicitées car leur évocation du monde du travail est parfois
implicite.
Une exposition intéressante qui joue avec le lieu et la mémoire des habitants d’Ivry-sur-Seine, à découvrir jusqu’au 16 décembre
Credac, Centre d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine (94)