Dans le cadre de la manifestation Lille 3000, Fantastic, le Palais des Beaux arts propose deux expositions qui mettent en valeur l'imaginaire, le fantastique et les questionnements face au paysage.
La première est liée à la situation géographique de la ville de Lille : "Fables du paysage flamand". Cette exposition met en lumière le caractère fantastique et merveilleux des peintures de paysage du XVIe siècle en Flandre. A cette époque, les artistes ont representé la nature comme le lieu de tous les imaginaires possibles du paradis à l'enfer. Le paysage devient à la fois bon et mauvais et les rochers et animaux se transforment tout comme les hommes. On y rencontre un monde à la fois ancré dans le réél et dans le fantastique. Le paysage permet aux artistes d'être le lieu de passage entre la réalité sensible et le monde spirituel. Les peintres mêlent la foi et les superstitions populaires dans un monde fabuleux ou monstrueux où les événements qui s'y déroulent nous dépassent. Même si l'ensemble du paysage paraît réaliste et plausible, les artistes y ajoutent des animaux fantastiques, des rochers qui se transforment ou bien des éléments naturels qui se déchainent et nous font perdre les repères de la réalité. Les maîtres reconnus tels que Bosch, Brueghel, Bles ou Patinir étaient des sortes de visionnaires des images fantastiques d'aujourd'hui, dans une facture réaliste et dans une précision méticuleuse. Le paysage était finement représenté avec tous ses détails de végétation et atmosphères colorées.
L'exposition se présente comme dans une sorte de labyrinthe qui nous permet de découvrir progressivement les différentes facettes du paysage flamand lié au fantastique. Dans une première section, les paysages traduisent symboliquement le chemin de vie. Les peintures y sont peuplées de nombreux personnages et animaux dans un paysage où les fleuves et les chemins ordonnancent le monde. La seconde catégorie de tableaux regroupe le monde fantastique, incarnée par Jérôme Bosch et ses suiveurs. Celui-ci associe une iconographie de la fin du Moyen-Âge avec une imagerie liée aux rêves ou aux cauchemars. Dans ses paysages, on peut observer des êtres mi-hommes mi-animaux ainsi que des situations grotesques voire monstrueuses, mais également des animaux fantastiques. Joos de Momper fut surtout connu lui, pour ses paysages anthropomorphiques. Dans la troisième section, l'exposition met en lumière des peintures emprises de la pensée chrétienne mais aussi de la culture humaniste. Il est question de fables profanes et de fables sacrées : Dans les peintures, un élément peut permettre au paysage et au récit de tout faire basculer. Dans la dernière section consacrée au monde merveilleux, la nature apparait comme symbole d'abondance et de profusion mais aussi en perpétuel mouvement. Ceci permettait aux artistes de poursuivre l'ambition de se rapprocher du mythe de la Création du monde par Dieu. Les paysages de Brueghel l'ancien sont peuplés d'une abondance d'animaux et de végétaux. On trouve également, dans l'exposition, des figures de la religion récurrentes comme Saint Christophe portant le Christ enfant, la tentation de Saint Antoine et St Jérôme entre autre. De nombreux peintres se sont attelés à représenter la Tour de Babel. Ce qui introduit l'exposition "Babel, 10 questions sur un mythe".
L'exposition "Fables du paysage flamand" nous permet donc de découvrir comment le paysage est devenu un sujet autonome pour ces artistes du 16e siècle. Il leur a permis d'explorer un certain imaginaire pour faire naître la réflexion mais aussi faire prendre conscience de la relation de l'homme au monde qui l'entoure.
L'exposition "Babel 10 questions sur un mythe" peut être elle, soit prélude soit postface à cette exposition. Elle présente des oeuvres d'artistes contemporains qui revisitent le mythe de Babel. La Tour de Babel peut aujourd'hui susciter des correspondances avec les problèmatiques actuelles liées à la ville qui se développe en hauteur. Le mythe babélien est aussi celui de la volonté de puissance. C'est un mythe mais qui peut être aussi rapproché à la shoah, dans son aspect le plus sombre. D'autres oeuvres traduisent Babel comme la métaphore de la diversité des langues et des peuples. D'autres encore mettent en évidence une référence au temps des cathédrales. Babel est associé à l'architecture en hauteur mais aussi à la spirale. Les artistes se sont interrogés sur le sens de Babel mais aussi à quoi pouvait ressembler ce mythe de nos jours. Après Brueghel, Valkenborgh, Momper, les artistes contemporains représentent Babel dans des matériaux d'une grande diversité qui leur permettent d'explorer les différentes facettes du mythe.
L'exposition est comme organisée en cercles concentriques. Au centre, des grandes sculptures et installations sont entourées d'oeuvres graphique, de vidéos et de photographies, et à la périphérie d'autres peintures, photographies monumentales mais également vidéos, dessins et sculptures. Autour de la Tour de livres de Jakob Gautel (photo ci-contre), on peut voir la série de dessins de Schuiten, deux oeuvres de Vik Muniz, qui revisite la Tour de Babel après Bruegel, entre autre. Autour de la cathédrale de Wim Delvoye sont installés des dessins de Claude Courtecuisse et de François Boucq, mais également une vidéo de Yan Yongliang qui montre un paysage infini d'une mégalopole. Hilary Berseth a conçu la Tour de Babel en nid d'abeilles, tandis que John Issacs a choisi le bois, le polysthyrène et d'autres matériaux pour concevoir sa mini Tour de Babel. Babel apparaît aussi comme Tour organique et ce sont aujourd'hui les immeubles et grattes ciel qui intéressent les artistes photographes comme Eric de Ville et Xiang Liquing. Janine Von Thüngen retient du mythe de Babel la foule de personnages tout comme les frères Chapman. Anselm Kiefer a choisi de représenter Babel dans deux immenses toiles qui permettent de faire le lien entre les deux expositions.
L'exposition montre ainsi comment un mythe ancien peut susciter un imaginaire d'une grande diversité. Ce mythe revisité permet aussi de révéler un intérêt des artistes contemporains pour la ville en mutation mais aussi pour l'architecture en plein développement.
Fables du paysage flamand et Babel, deux expositions à découvrir absolument jusqu'au 14 janvier
au Palais des Beaux Arts de Lille (59)
dans le cadre de Lille 3000, Fantastic