La question de la réparation et du soin qu’on porte aux éléments vivants non-humains sont au cœur des recherches de Caroline Antoine. Dans la forêt de Haye, elle s’attarde sur une parcelle en libre évolution de 90 hectares, on ne peut y entrer et on y fait l’expérience de se sentir tout petit, on ne s’y sent pas le bienvenu. On peut l’observer, la contempler en train de se régénérer. Ces îlots de biodiversité sont pour elle, porteurs d’avenir. Il s’agit aussi de lieux refuges où retrouver une certaine sécurité. Les expériences de promenades, en pleine écoute de ses sensations l’amènent à libérer des gestes, témoins d’une mémoire du corps. Ces étapes sont aussi importantes que le rendu final dans sa pratique.
Son geste fluide à l’encre colorée laisse venir un corps végétal. Le choix de la couleur rose qui tire vers le violet est symbole de la régénérescence. Lors de sa résidence au Cercle du travail, elle invitait à plonger à l’intérieur de la couleur par une installation d’œuvres sur papier de grands formats. Dans son processus de création, la couleur peut aider et a quelque chose de méditatif. « Quand une forêt se répare, elle nous répare tou.s.te.s » telle est l’une des pensées de Caroline Antoine. Elle établit un corps à corps avec le papier, qui relève d’un tronc, d’une écorce, d’un arbre qui est en train de revenir à la vie. L’installation jouait sur une forme d’équilibre instable. « J’aime bien que le papier nous résiste, que la matière fasse sa vie avec les éléments » explique-t-elle.
Ses dessins présentent une condensation d’énergie interne. Avec les changements de couleurs et d’intensité de fluidité, on ressent un état de robustesse, de résistance propre aux arbres des forêts préservées. Les couleurs évoquent notamment la vie pour l’artiste, une part de spiritualité, pour faire face et agir contre la violence, « une forme de douceur combative ».
Son grand dessin révèle une symbiose des racines dans les profondeurs. Les systèmes racinaires traversent son œuvre depuis quelques années. Lors de son processus de création, elle ressent une énergie très forte. L’œuvre sur papier s’apparente également à une rivière. Installée à l’extérieur, celle-ci était en relation avec les éléments naturels.
Le cycle vie et mort traverse son processus de création, notamment son intérêt pour la notion de sénescence, une mort qui permet la vie.
L’artiste écrit également de la poésie depuis longtemps d’où la présence des mots dans son travail, tels des slogans, à la fois engagés et doux, qui invitent à des expériences de changements d’état de conscience.
Ainsi, le travail artistique de Caroline Antoine tient d’une volonté de chérir les forêts, d’être à leur écoute et d’engager à leur préservation.
Pauline Lisowski