Installée récemment à Paris, la galerie C basée initialement à Neuchâtel présente les œuvres récentes de Jean-Christophe Norman. Le livre est l’une de ses sources d’inspiration et les écrits constituent les matériaux de ses performances et marches dans l’espace public. Au départ, son geste consistait à reproduire l’entièreté d’un livre au sol dans différentes villes. La notion de paysage lui apparaît dans les grands espaces urbains dans lesquels il est sensible aux variations de lumière, m’a-t-il confié. Son travail a pris une tournure plus picturale. Depuis quelques temps, il cherche à coïncider le récit, art du temps et la peinture.
En 2010, il décide de recouvrir de graphite L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique de Walter Benjamin. Le livre en étant recouvert devient objet, préservé. Il est un territoire, un espace à explorer. Puis c’est Don Quichotte, exposé à la galerie C, également qui subit ce sort. L’œuvre incite alors le spectateur à vouer une autre relation aux livres, dépositaires de temps et de fictions pluriel(le)s
Sur un mur, Seascapes présentent 84 peintures réalisées sur des pages d’un livre de Joseph Conrad. Chacune est une trace d’expériences, d’émotions ressenties et l'ensemble compose un journal des sensations, d’impressions de paysage qui restent en nous.
L’artiste trouble nos repères de perception. Les paysages de fleuve dévoilent des lumières qui scintillent. Des inscriptions de dates encore visibles nous dévoilent le support de ses peintures. Au fil de ses voyages, il utilise les papiers journaux pour réaliser ses paysages à l’huile et à l’encaustique. Le papier a vécu, l’œuvre a des traces de plis. Jean-Christophe Norman opère par retrait successif, enlevant la peinture à l’aide de chiffons, de ses doigts de façon rapide. Cette technique par recouvrement et retrait l’amène à exprimer les mouvements infinis de l’eau.
Ses peintures de fleuves présentent une grande fluidité, des traces d’un paysage de mémoire. « La place de la mémoire est forte. Je pourrais même dire centrale. Je suis sensible à la lumière qui rythme les grands ensembles urbains. Aujourd’hui encore, j’ai en mémoire des atmosphères traversées à Phnom Penh, ou encore à Buenos Aires ou Istanbul. » témoigne l’artiste qui a toujours en tête des milieux de nature. Les paysages peints renvoient à ses explorations de ville, à des parcours lors desquels il est sensible aux flux de lumière.
Ses œuvres nous incitent à regarder de nouveau les paysages peints par Turner et ceux des romantiques. « Je suis particulièrement intéressé par la tension qui s’opère avec les supports que j’utilise. Des journaux d’actualités collectés aux quatre coins du globe et qui contiennent des paroles, des actes, des guerres etc… Aujourd’hui il est difficile de regarder la mer en occultant tout ce qui s’y joue… » précise-t-il. Ses peintures de milieux marins font écho à l’histoire de notre relation à ces paysages, que l’homme a mis du temps à approcher, à ne plus craindre et à aménager.
Les œuvres de Jean-Christophe Norman proposent deux visions de paysage, l’expérience d’une traversée et celle frontale du tableau contemplé. Ses peintures condensent ensemble plusieurs parcours dans des territoires, des occasions pour l’artiste d’observer les changements de luminosité.
Ainsi, cette exposition nous incite à nous raconter des récits de voyages. Tout est ouvert à de multiples connections dans ses œuvres.
Pauline Lisowski
Une exposition à découvrir absolument jusqu'au 23 janvier à la galerie C, Paris.
Galerie d’art contemporain à Neuchâtel. Contemporary art gallery in Switzerland
Seascape de Jean-Christophe Norman, huile et encaustique sur papier journal, 55 x 66 cm, 2020, crédit photo : Galerie C
vue de Bookscape de Jean-Christophe Norman, Techniques mixtes sur livre, 19 x 24 cm, 2020, crédit photo : galerie C
Cover (Don Quichotte), de Jean-Christophe Norman, Encre et graphite sur papier, environ 11 x 17 cm, 2019, crédit photo : galerie C