À Ivry-sur-Seine, les artistes ont l’opportunité de prendre le temps d’explorer le territoire, de l’interroger, de récolter des matières et les paroles d’habitants pour créer des œuvres qui évoquent un contexte en mutation. La galerie Fernand Léger, structure porteuse de résidences, accueille ensuite des expositions dans son espace, qui fut au départ pensé pour être un cinéma, projet abandonné.
Le territoire est prétexte à chaque projet de Catherine Melin, invitée en résidence. Les moments charnières en termes d’espaces et de contextes sociaux sont sources de ses déambulations. Elle s’est intéressée à la Cité Gagarine, architecture en déconstruction, démontage car constituée de recyclage de nombreux matériaux et de ré emploi. Elle a pris soin d'être une « visiteuse régulière » en prenant les habitudes des résidents de cet habitat collectif.
L’architecture du lieu d’exposition a guidé la progression de son travail. Elle y a vu des plateaux, des espaces qui se montent et se démontent. Les pentes l’ont amenée à créer des tensions, des circulations et les jeux de lumière font écho au passé potentiel de la galerie. Pour la première fois, dans cette exposition, elle montre ses photographies, témoins de ses explorations dans divers continents. Celles-ci forment des ouvertures vers le dehors, vers l’ailleurs et nous permettent de nous projeter dans un espace mental. La plasticienne a également ponctué les salles d’objets glanés dans un espace désormais détruit.
Une première installation constituée d’éléments récupérés suggère un lieu en chantier, en transition, un sujet qu’on retrouve tout au long du parcours. L’artiste travaille habituellement avec ce qu’elle trouve sur place. Ses œuvres éphémères peuvent se déconstruire et incarnent une mobilité, celle de notre société.
Catherine Melin ouvre, étend sa perception du lieu qu’elle parcourt pour le territorialiser par ses œuvres. Elle propose des ricochets entre des territoires, des lieux traversés. Notamment avec une vidéo présentant le contexte urbain en Chine. Elle a créé des zones intermédiaires, des espaces où la question du franchissement est en jeu, où on ne sait si on peut les franchir ou s’il faut rester à distance. L’artiste fait de la galerie un espace en construction, où tout parait en suspens. À partir d’un dessin mural réalisé au fusain émerge un bateau fait de bric et de broc, navire précaire qui suggère l’arrivée sur une terre. Les notions de transport, de voyage, de déplacement circulent dans l’exposition.
Une salle de hauteur similaire à celles des cathédrales propose un ballet de sacs de transport, telles des présences fantomatiques. Les souffles qui les animent produisent une impression de vie dans un décor festif qui cache une situation plus dramatique, en attente.
Cette exposition est ponctuée de passages, de seuils qui évoquent les limites entre espace privé et espace public. Catherine Melin prend en compte le spectateur et l’invite à regarder à travers, à se maintenir éloigné ou à entrer dans l’histoire qu’elle propose. Elle engage de possibles réflexions sur les différents usages que nous pouvons faire des lieux et des espaces publics.
Pauline Lisowski
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Vue d'exposition de Catherine Melin, crédit photo : galerie Fernand Léger, Ivry-sur-Seine