Formes du vivant

Lélia Demoisy, Lucie Linder, India Leire, Maud Louvrier Clerc

Galerie Plateforme, Paris

Du 12 février au 7 mars 2021

La période que nous vivons et la nécessité d’une relation avec les autres éléments animaux, végétaux, minéraux, avec lesquels nous cohabitons, incitent les artistes à développer des formes sculpturales, des œuvres sur papier, peintures, sérigraphies, cyanotypes, dessins, vidéos. Leurs œuvres convoquent des éléments observés dans l’environnement et nos relations aux paysages. Nous participons à un écosystème où divers êtres vivants composent des mondes à respecter. Notre attention aux diverses formes de vie nous conduit à en prendre soin et à les considérer avec la plus grande humilité possible.


Ces relations au vivant et à la nature s’incarnent dans des œuvres de différents médiums de Lélia Demoisy, India Leire, Lucie Linder et Maud Louvrier-Clerc. Celles-ci révèlent nos manières d’être dans des paysages. Les artistes tentent de relier l’œuvre d’art avec le vivant, le végétal. Parfois, le geste artistique s’efface au profit d’une nature créatrice.


L’exposition se découvre comme un jardin, une forêt, un milieu de nature imaginaire, dans lesquels les œuvres s’érigent pour nous donner à voir de possibles êtres en croissance et des éléments, fragments observés, fragiles, qui tendent à disparaître. Des souvenirs de rencontres avec des éléments naturels, notamment en forêt, en montagne, dans les champs, en mer ou dans l’espace urbain peuvent surgir. Les œuvres suggèrent un grand respect pour les non-humains. Certaines suscitent le toucher et une ambiguïté entre la douceur et le piquant, entre l’attirance et la répulsion. 


Les œuvres de Lélia Demoisy mettent en évidence les caractéristiques de multiples essences de bois qu’elle a pris soin de travailler. L’artiste cultive une ambivalence entre les matières et les sensations, de la douceur au piquant. Elle combine deux règnes pour révéler ce qu’est un individu, de la plante à l’homme ou l’animal. Récemment son voyage en Patagonie l’a amenée à réaliser des sculptures et des sérigraphies qui témoignent d’autres manières de percevoir le végétal. Son travail artistique devient d’autant plus ancré dans l’histoire et la géographie du territoire qu’elle a parcouru. Ses œuvres associent la main de l’homme et les processus de croissance des éléments pour nous inviter à un retour aux origines d’une proximité entre l’homme et la nature.


Les sculptures hybrides d’India Leire sollicitent nos sens, nous attirent tout en nous incitant à reculer. L’artiste prend soin de collecter et de faire sien des fragments, des matières cueillies en promenade. Ses dessins constituent un cabinet graphique pour cultiver un art de la curiosité et de l’apprentissage des végétaux. Elle prend le temps de reproduire des textures en laissant des imperfections, échos à celles de la nature, rendant ses volumes plus vivants. Ses œuvres composent un monde imaginaire dans lequel la nature est sublimée, teintée d’une certaine magie. Réalisées à partir de matériaux naturels tels que le plâtre, la terre et les végétaux, ses sculptures nous invitent à prêter attention au mouvement des plantes, à la naissance, aux pousses et à une certaine puissance dans leur élévation, telles des corps qui dansent.

Une installation réunissant sculptures et cyanotypes de Lucie Linder raconte les différentes facettes qui composent notre identité humaine. Ses œuvres sur papier associent la réalité d’une condition sociétale et un monde onirique. En grattant l’image, elle fait émerger des traces, des reflets, des détails en confrontation avec une impression de flottement. L’œuvre continue de vivre dans le temps. Ses sculptures en porcelaine froide évoquent des mues d’animaux telles des dentelles à porter sur soi pour devenir un nouvel être hybride. Dans ses films, nous pouvons percevoir un corps déambulant dans des grands paysages. Ces vidéos nous font prendre conscience de la peur que nous pouvons avoir dans les environnements naturels d’une grande puissance.


Maud Louvrier-Clerc tente de réconcilier les contraires et de nous faire prendre conscience de notre appartenance à un Tout, à une vie en harmonie avec les vivants non-humains. Il s’agit pour elle de construire ensemble un monde plus durable et respectueux des éléments. Ses séries d’aquarelles rendent compte de l’état actuel de la fragilité des milieux marins et de la pollution de l’eau par l’homme. La disparition du sable présentée ici est une série de dessins-aquarelles de grains de sable de plages et de littoraux imaginaires. Cette transformation du paysage est l’une des conséquences de l’ère anthropocène. L’artiste s’est inspirée de nombreux articles et documentaires évoquant le sujet. Ses œuvres révèlent la diversité de la couleur du sable, comme sa texture, à la fois fragile et sublime.

Ainsi, l’espace de Plateforme est peuplé de différentes sculptures et autres formes entre geste de l’artiste et création de la nature. Les œuvres incitent à une déambulation, à des instants de contemplation de matières, d’éléments, de lumières propices à l’évasion, à la méditation, aux surgissements de souvenirs et à un voyage.


Pauline Lisowski