Forest Art Project

Mark Alsterlind, Naïmé Amelot, Ursula Caruel, Claude Como, Thierry Dubreuil, Vincent Lajarige, Baptiste Lignel, Gilles Tellier, Sarah Valente, Mathilde Wolff ainsi que les dessins de Francis Hallé

Eglise des Jacobins, Agen

29 janvier – 30 avril 2022


« L’Art et la Science s’engagent

pour la renaissance des grandes Forêts Primaires »

Un voyage en forêt…

Les artistes ici réunis nous invitent à explorer un paysage forestier. Sensibles à la forêt, qu’elle soit proche ou lointaine de leur atelier, nourris de leurs expériences physiques dans ce milieu foisonnant et mystérieux, ils rendent visibles les propriétés des arbres, une végétation dense et transmettent leurs sensations vécues. Leurs œuvres de différents médiums, sculptures, photographies, dessins, peintures, installation en laine, nous incitent à prendre le temps d’être attentif à la biodiversité, à une nature qu’il devient urgent de préserver. En parcourant l’exposition, nous découvrons une richesse végétale et nous nous approchons des arbres, ces êtres vivants qui traversent les siècles.

Une photographie, vue aérienne de la forêt amazonienne, entre Cayenne et Maripasoula, dernier vestige « français » d’une forêt primaire de Baptiste Lignel introduit l’exploration d’un espace forestier. À ses côtés, des dessins du botaniste Francis Hallé nous conduisent progressivement à voyager vers des contrées lointaines.

Parmi les colonnes de l’église des Jacobins, des bois sculptés et des peintures des deux artistes à l’origine de l’association Forest Art Project, sont mis en scène comme pour nous plonger dans une forêt dans laquelle nous devons nous frayer un chemin. Mark Alsterlind expose ses peintures aux couleurs vives et soumises aux intempéries depuis leurs création. Elles condensent alors le temps de la nature. Ses œuvres sur pieds et ses livres peints incarnent les cycles des arbres. Vincent Lajarige, inspiré par ses voyages en forêt amazonienne dès 1980, travaille le bois et réalise des sculptures élancées qui rappellent des troncs, « pour retrouver dans les fibres oubliées, détruites, calcinées et usées une possibilité d’avenir », tels qu’il l’affirme. Avec la résine, il fait naître de nouvelles espèces hybrides. Il incruste également des couleurs et insère des bois précieux aux bois flottés récupérés pour leur redonner une nouvelle vie. En circulant entre les œuvres verticales, nous ressentons une proximité avec les arbres libérant leur énergie.

Des percées de lumière nous guident vers des œuvres qui nous convient à contempler une végétation, nous emmenant vers un ailleurs encore préservé de la présence humaine. Nous rencontrons pas à pas, les arbres et les êtres vivants qui habitent les forêts tropicales et européennes.

Mathilde Wolff, suite à son voyage au Brésil pour découvrir la forêt Atlantique, déconstruit un paysage pour ensuite en recomposer un imaginaire. Ses œuvres, fusion entre la délicatesse du calque et la finesse du travail à l’aquarelle, montrent une nature foisonnante, d’une grande beauté, proche de la disparition.

La série de monotypes, empreintes, d’Ursula Caruel, réalisée suite à une performance dans la forêt des Ardennes, rend visiblesdes traces de la souffrance des arbres, scolytes des épicéas, chenilles processionnaires des chênes, sécheresse et dérèglement climatique. En regard de ce travail artistique, Dans la peau des innocents, série de photographies, empreintes de lumière, de Thierry Dubreuil révèle des incisions sur des écorces d’arbres dans des parcs à New York. Cette série fait écho aux graffitis, aux origines de l’art et de l’écriture, révèle des mythes simplifiés à l’extrême qui ouvrent sur l’infini.

Telles des indices d’expéditions et de reconnaissance botanique, des dessins au trait fin, à la frontière entre l’art et la planche botanique, pédagogique de Francis Hallé, grand botaniste expert de l’écologie des forêts tropicales et de l’architecture de leurs arbres, nous invitent à nous rapprocher pour comprendre le monde végétal.

Traverser la forêt de bois brûlés, œuvre commune de Vincent Lajarige et Mark Alsterlind nousconduit à être proche de ces grands êtres élancés. Mathusalem, un tronc d’arbre recueilli au bord de la rivière Le Verdon, par ces deux artistes apparaît tel un animal… Nous nous approchons au plus près des textures et boursouflures de cette sculpture naturelle.

L’atmosphère change est devient plus lumineuse et colorée. Le regard peut alors se poser sur la peinture Sarawak de Naïmé Amelot, une vue de forêt luxuriante sur l’île de Bornéo, qu’elle a minutieusement peinte en se rapprochant de chaque détail d’une végétation tropicale.

L’ensemble de quatre tableaux intitulé They are killing the forest de Sarah Valente montre une jungle, une canopée relativement abstraite. L’artiste porte son intérêt sur la vision des insectes et sur l’utilisation des pigments issus de la nature. L’installation de formes libres colorées en laine tuftée de Claude Como exprime les réminiscences d’une végétation puissante, envahissante, souvenir de son enfance en Côte d’Ivoire… La nature reprend ici ses droits sur l’architecture.

Plus loin, les tirages photographiques noir et blanc de paysages explorés en France métropolitaine et ultramarine de Baptiste Lignel rendent compte des lieux où se révèlent les relations entre l’humain et les vivants, de la peur à la maîtrise, puis à l’exploitation. Gilles Tellier se concentre lui sur le règne végétal, en perpétuelle transformation et échappant à tout contrôle. Sa pièce Partition révèle les cernes du bois, traces des temps millénaires et d’une éternité végétale.

Cette exposition invite à une promenade, à la découverte de différents biotopes de divers coins du globe. Nous cheminons parmi des arbres trouvés, sculptés, peints, ce qui nous engage à nous arrêter pour observer une végétation fascinante, étudiée par de nombreux scientifiques et observée par les artistes.

Ainsi, des racines vers le ciel, les œuvres d’artistes ici réunies nous invitent à nous souvenir d’expériences de rencontres avec le monde végétal, moments intenses qui s’imprègnent en nous. Elles nous incitent à prendre conscience de l’importance des grandes forêts primaires, ces lieux d’une nature encore non maîtrisée par l’homme. Des forêts parcourues par les artistes… un autre milieu naturel se découvre alors, inspire l’émerveillement et un désir de le comprendre afin de le préserver.

Il devient urgent de prendre soin des arbres et de vivre en harmonie avec eux. Tel est le message véhiculé par les œuvres des artistes de l’association Forest art project.

Prenez le temps de cette visite pour vous imprégner du temps des arbres.

Pauline Lisowski, critique d’art et curatrice, accompagnant l’association Forest Art Project