Alexandra Sá et Marie-Jeanne Hoffner ont utilisé la galerie Nicolas Silin comme une espace de conversation. Elles l'ont investi avec des propositions sculpturales in situ qui redéfinissent les lignes et créent des passages. Des structures et des ouvertures, des trames et des découpes se rencontrent. Les œuvres en forme de colonne d’Alexandra Sá font écho à celles du lieu tandis que le voilage de Marie-Jeanne Hoffner crée un écran vers un ailleurs. Au mur des dessins, des cyanotypes, des collages, se répondent visuellement, notamment par la couleur bleue. Les plis et les éléments d’architectures dialoguent ensemble, nous incitant à nous y promener.
Pauline Lisowski : Quelle est l'origine de cette exposition ?
Alexandra Sá et Marie-Jeanne Hoffner : Le projet de départ, c’est Alexandra qui en est à l’origine. Elle souhaitait un projet à deux voix.
Nous avions partagé un atelier à la Villa Belleville et il y avait beaucoup d'échos dans nos démarches respectives. Cela nous a semblé être une belle occasion de les confronter à l’échelle d’un lieu.
Nous avons commencé à travailler ensemble sur les correspondances existantes entre nos pièces, à choisir des fils discursifs, et il y avait comme une évidence qui les reliait, dans leurs questionnements autour de l’espace en particulier.
PL : Son titre fait écho à deux architectes. Quelle relation à l'architecture développez-vous dans vos œuvres ?
AS et M-JH : C’est le lien le plus évident dans notre travail individuel. Le thème de l’architecture, qui lui-même en contient de nombreux autres, puisqu’il regroupe tant la structure, le plan, le territoire, le déplacement, le corps, etc.. Toutes ces notions sont articulées à différents degrés dans nos pratiques respectives. Ces aspects nous sont apparus comme un jeu, celui de nous mettre face à des choix, suscitant de nouvelles perspectives par la rencontre même de nos œuvres.
L’architecture est ici à lire comme un clin d’œil, en filigrane, par le titre « Alvar & Alvaro », qui nous semblait ludique et qui permet d’envisager un jeu de rôle. Alvar Alto et Alvaro Siza ne se sont peut-être jamais rencontrés dans la vraie vie, alors ici nous mettons en jeu un atelier fictif, comme les éléments d’un paysage imaginé pour leur rencontre. Il y a aussi des points communs dans leur travail, comme le dessin, le goût pour les matériaux et une certaine sobriété.
PL : Comment avez-vous investi la galerie en vous servant de ses éléments d'architecture ?
AS et M-JH : Nous souhaitions mettre en œuvre un travail in situ, à la fois car c’est notre manière à chacune de travailler, et surtout le lien au lieu est un point de départ central dans l'organisation de cette exposition. Pour la galerie Nicolas Silin, nous avons proposé plusieurs approches possibles. Il nous semblait évident, pour connaître la galerie, que nous devions jouer avec les qualités et la complexité de l'espace : sa profondeur, ses hauteurs sous plafond différentes, la partie opaque et l’autre vitrée, son poteau, l’escalier à gauche de l'entrée, etc.. Nous sommes donc parties de deux grandes pièces à installer dans le fond de la galerie, dont le Voilage de Marie Jeanne Hoffner qui crée un plan horizontal, un écran translucide, et une pièce d’Alexandra Sà, (L) paysage, construite sur place, adaptée à l’angle des murs. Nous avons décliné les autres œuvres en fonction du déplacement possible du visiteur, et de ses différents points de vue.
PL : Quel parcours avez-vous voulu créer pour le visiteur ?
AS et M-JH : Nous avons voulu créer des séquences comme pour une promenade, dans la traversée de l’espace et dans sa profondeur avec l’envie de travailler en lien avec les textures, par des jeux de ponctuations rythmiques entre verticales et matières, couleurs et matériaux.
Enfin les points de vue structurent l’ensemble, en se déplaçant il y a les percées créées par la découpe dans le voilage et le jeu des verticales qui fabriquent des lignes et des plans très dessinés.
PL : Quelles relations avez-vous tissé entre vos œuvres ?
AS et M-JH : Nous avons mis en relation certains matériaux qui évoquent l’architecture en dialogue avec des dessins ou collages qui peuvent se lire un peu comme un jeu de ping-pong entre la structure et la trame.
La trame, revêt ici de nombreux aspects, elle nous semblait relier les pièces entres elles, qu’elles soient en volume ou sur papier. Cette trame permet de tisser le lien par le trait, ou bien encore la sangle, la transparence, une certaine topographie, la couleur bleue.
Il y a les processus qui ne se disent pas toujours aussi… mais qui sont fondateurs, celui du geste, du in situ, du dessin, de l’image photographique et de la verticalité.
Les images photographiques ont leur autonomie mais elles créent un écho à chacune des autres œuvres, par la couleur bleue évidemment, qui est celle des cyanotypes et des dessins d’Alexandra, mais aussi par la trame des tissus, alors révélés en profondeur. Les ombres portées bleues sont celles des bâtiments du Hansaviertel à Berlin, et ils peuvent s’associer à la structure (L) paysage d’Alexandra, comme pour en prolonger le dialogue.
Il s’agit encore une fois de créer des discussions entre les travaux, par le vide qui les sépare autant que par celui qui les relie.
Une exposition à découvrir jusqu'au 20 février 2021 à la galerie Nicolas Silin.
Cette exposition a bénéficié du soutien de Institut Camões de Coopération et de Langue Portugaise-Ministère des Affaires Etrangères
Vue de l'exposition