Oscar Muñoz, Protographies : des expériences sur l’image pour capter la mémoire

Les œuvres d'Oscar Muñoz ont la particularité d'être toujours dans le saisissement de l'instabilité de l'image. La force de son travail tient au mélange des pratiques artistiques. L'artiste colombien utilise librement la photographie, la gravure, le dessin, l'installation, la vidéo et la sculpture en expérimentant les potentialités propres à chaque médium et en les combinant. L'exposition que lui accorde le Musée du Jeu de Paume permet de découvrir le développement de sa recherche sur la capacité de l'image à retenir la mémoire.

Dans la première salle, nous pouvons découvrir sa recherche artistique sur le contexte social de la ville de Cali. Nous sommes invités à marcher sur Déambulatoire, une immense prise de vue aérienne de la métropole recouverte de verre. Les déplacements dans la durée provoquent des fissures qui créent une trame aléatoire qui prolonge le tracé de la ville et rend ainsi perceptible un chaos urbain. Oscar Muñoz expérimente diverses techniques pour tenter de révéler l'image de corps et de visages.

Les expériences sur le support sont ensuite présentées selon une scénographie qui révèle sa recherche sur la représentation du corps et sur sa propre image. L'artiste explore de nouvelles techniques de dessin et de gravure pour travailler la mise en vue de la fixation et de l'évaporation de l'image : pochoir et aérographe sur rideau de douche en plastique : Rideaux de douche, une installation, impression sur eau (Narcisses). Les œuvres invitent alors le spectateur à positionner son regard et à contempler le lent mouvement de fixation de l'image. Les techniques utilisées sont ensuite au service du mécanisme de la mémoire. Dans Projet pour un mémorial, sur 5 écrans, une main tente de dessiner des visages d'individus. Se matérialise sous les yeux du spectateur, l'élévation de l'image comme mémorial. Ce procédé se retrouve dans les œuvres installées au sol, Biographies. Des portraits issus de rubriques nécrologiques disparaissent et réapparaissent, nous laissant méditer sur la présence de la mort.

Oscar Muñoz s'intéresse particulièrement au lien indiciel entre un objet et son image. Une salle réunit des œuvres regroupées sous la thématique de l'empreinte. Par cette technique, il nous donne à voir la disparition de l'image. Avec Souffle, il invite le spectateur à agir pour révéler par lui-même, des portraits de disparus. Ici, l'image s'imprime dans l'instant fugace d'une expérience sensible d'un face à face. La présence physique redonne naissance à une image gravée et invisible, dans un miroir. Dans la dernière salle, les images disparaissent et apparaissent dans un flux rythmé. Un ensemble d'installations basées sur l'image en mouvement et une vidéo arrêtent le regard du spectateur. Dans Sédimentations, sur des tables, nous pouvons saisir la vie et la mort de l'image dans une continuité incessante. La main de l'artiste agit ici pour mettre en lumière le mécanisme de dissolution de la photographie et la constitution d'une feuille blanche, support de révélation. En écho, dans l'installation Le Collectionneur, Oscar Muñoz a mis en scène un alignement d'images. Exposées, elles proposent au spectateur d'imaginer des associations visuelles. Mais le personnage du collectionneur affiche sa présence. Les images révèlent sa personnalité et ses souvenirs.

Cette exposition met au jour l'évolution d'un travail sur l'image et sur la force de sa présence. Les œuvres provoquent chez le spectateur le désir de saisir la vision de corps et de visages. Elles le touchent par leur instabilité, métaphore du flux vital.

Photographies, une exposition d'Oscar Muñoz, jusqu'au 21 septembre

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