Katia Bourdarel, Olga Caldas, Marie Denis, Frédérique Hervet, Pauline Lisowski et Wiktoria
Immixgalerie, Paris
du 23 mai au 4 juillet 2025
Au jardin, nous ressentons notre corps, accueillons avec bienveillance nos sensations et nous nous relions aux personnes qui nous ont transmis des gestes. Chaque artiste entretient une connexion avec un jardin et l’acte de jardiner relève pour elle d’une observation aiguisée des végétaux.
« Le jardin soigne le jardinier qui soigne ses plantes. C’est un échange de bons procédés, une sympathie ou une solidarité instinctive qui lie entre elles toutes les formes de vie »1 écrit Marco Martella.
Nourriciers, les jardins sont aussi des milieux où partager des savoir-faire où tout un chacun peut transmettre des connaissances de génération en génération.
Ils sont aussi les lieux de l’enchantement, de la métamorphose où laisser son esprit libre, où cultiver sa sensibilité aux vivants non-humains, où s’abandonner à un voyage mental.
Les œuvres des artistes transmettent ces instants poétiques, ces moments d’attachement avec les plantes, vers une prise de conscience de notre interdépendance avec les autres vivants. Celles-ci révèlent des gestes d’attention, de doux contacts avec les plantes, des jeux de cache-cache où fusionner avec la nature. Elles inspirent la curiosité, l’éveil, l’empathie pour le monde végétal et ainsi nous invitent à prendre le temps de découvrir ses mystères et ce qu’il a à nous apprendre.
Katia Bourdarel voue un soin quotidien au jardin, prolongement de son atelier ainsi qu’à une forêt qu’elle a plantée dans le Lot avec l’artiste Sylvain Ciavaldini. Elle adopte une pratique ancrée dans l’observation de chaque changement, de la fanaison à l’éclosion des plantes. Si dans sa délicate aquarelle, le végétal entre en relation avec la peau, ses dernières peintures et ses pièces en bronze se présentent à nous telles des feuilles qui semblent nous interpeller du regard. L’artiste nous invite à considérer avec attention les liens qui nous unissent avec la nature.
Dans son jardin, lieu de l’intimité, prolongement de la maison, espace où elle s’enfuit dans un monde intérieur, Olga Caldas, prend le temps de restaurer une joie de l’enfance. Ses photographies entremêlent corps et nature et suggèrent ce temps pris à explorer, à jouer avec ce qui l’entoure, à inventer un dialogue imprévu. Dans sa série L’éphémère, le corps nu habillé d’un léger voile semble se métamorphoser en chrysalide, en végétal, en une fée, une apparition parmi la végétation.
Pauline Lisowski considère son jardin et ceux des personnes qui lui sont chères, comme le lieu où prendre le temps d’observer et d’apprécier le comportement de chaque plante. Par la photographie, elle capte des moments sensuels, où elle ressent une connexion avec son corps et celui du végétal. Les ombres dessinent ces présences sur ses mains de dessinatrice. Ces gestes doux, proches du jeu, relèvent d’un soin mutuel, d’un attachement et d’un désir de se relier à sa lignée de femmes jardinières.
En Pologne, Wiktoria observe la faune et la flore d’un jardin ouvrier à l’abandon, où la nature a repris ses droits. Elle y enquête sur les propriétés et vertus des plantes. Réalisée dans ce « jardin secret », sa série de photographies The Study of Traces montre des empreintes d’éléments naturels à même la peau : une rencontre corps à corps entre deux matières organiques qui interagissent ensemble. La trace incarne le temps de cette connexion, cette sculpture éphémère. De ce contact, l’énergie, le soin et la douceur se font sentir.
Pour Frédérique Hervet, adepte de jardinage et attentive aux gestes des jardiniers, les jardins sont également sources d’inspiration, lieux d’écoute et de partage où elle herborise pour créer des empreintes. Dans ses petits théâtres de papier et sa série Récits de vie, elle fait voyager des personnages dans différents paysages. Les jeux entre corps et végétaux se révèlent également dans ses cyanotypes réalisés pour la galerie : une métamorphose d’un paysage vers des mains qui rejoignent des plantes, allant jusqu’à leur enracinement, guidant notre regard vers le sol…
Dans son film Claude, réalisé avec la complicité de Vladimir Vatsev, Marie Denis invite à basculer dans un monde inconnu et mystérieux. A partir d’images, elle tisse un entrelacs de visions, une traversée de l’âme entre les ombres et les figures énigmatiques qui hantent les rêves de Claude Cahun. Les corps se métamorphosent et les identités se croisent. Cette œuvre nous rappelle combien au jardin, absorbés par nos gestes, les pensées se libèrent et l’imagination nous ouvre vers d’autres espaces hors du temps.
Au jardin, faisons corps avec le végétal, une expérience de lien et de bienveillance. Dans cette exposition, l’émerveillement et l’enchantement au quotidien répondent aussi à l’urgence de ralentir et d’apprécier les relations fécondes entre corps humain et corps végétal.
Pauline Lisowski
1 Sous la direction de Marco Martella, Revue Jardins, n°6, Le soin, Editions du Sandre, 2015, p. 5