Amélie Veyssière

Lors de ses déplacements à pied et à vélo, Amélie Veyssière se nourrit de ses sensations et garde en mémoire des couleurs et des lumières. L’artiste prend des photographies et récolte des matériaux, tels des petits trésors qu’elle conserve pour leurs matières, devenant ainsi ses sources visuelles.
Puis elle recadre sur des détails, change d’échelle pour composer librement ses peintures de paysages. Celles-ci expriment le mouvement, l’impermanence, la fugacité d’un instant qui frappe l’esprit et le corps.


Son processus pictural est à l’image des formations géologiques des montagnes. Elle travaille par jus, par couche fine, fait confiance aux aléas, aux accidents, au non-contrôle et laisse apparaitre une topographie en équilibre. Au fur et à mesure de son processus pictural, des images, des impressions lumineuses, des souvenirs visuels et sonores remontent à la surface. Les couleurs transmettent une énergie, des vibrations, captivent notre regard, nous invitent également à nous extraire un moment de la réalité pour rêver, contempler et se projeter dans un ailleurs hors du temps.
Au lavis, elle fait également émerger des horizons face auxquels dans un moment de pleine conscience, de concentration nous percevons les infimes variations de couleurs. On songe alors à l’expérience esthétique que nous pouvons vivre face à des variations de lumière dans le paysage. Cultivant cette attitude méditative face à la nature, l’artiste contemple les ombres, prend le temps d’apprécier ce qui s’en dégage et fait surgir des formes organiques, telles des traces, des empreintes de formes insaisissables.


Parallèlement, Amélie Veyssière s’intéresse à l’histoire des lieux et mène une pratique picturale à partir de documents d’archives. Avec un geste fluide et spontané, elle cherche à restituer les lignes de forces de l’image (série Géographie du souvenir). En enquêtant sur des traces mémorielles, elle revisite son atelier comme un milieu à explorer, où cueillir des fragments colorés dans ses œuvres. A partir d’éléments recadrés, elle poursuit un processus mémoriel et s’immerge à nouveau dans les lieux explorés afin de recréer des paysages présentant des chemins à parcourir visuellement. Les oeuvres de sa série Lignes et langues reflètent une fugacité, une pulsation du moment, celui de se laisser replonger dans des ressentis. Parfois, elle revient sur ses anciennes peintures et les recouvre de blanc, faisant resurgir un paysage fantomatique. Des traces de changements et une évolution propre aux milieux montagneux se fait alors sentir.


Ainsi, Amélie Veyssière se donne des protocoles de travail pour révéler la puissance des paysages et l’histoire des formations géologiques qui l’invitent à une grande humilité.


Pauline Lisowski