Isabelle Bonté-Hessed2 développe une approche artistique de la mémoire, de l’effacement et de la disparition. Quand des événements nous marquent et que des éléments perdent leur éclat, que reste-t-il ? Une métamorphose des êtres vivants se révèlent dans les œuvres de cette artiste sensible aux phénomènes de fanaison, de dessèchement. Elle tente également de redonner une nouvelle préciosité et délicatesse aux plantes, en voie de disparition et menacées par les changements climatiques qui marquent nos paysages. Les végétaux incarnent pour cette artiste la force du commencement et du recommencement, tout comme le feu.
Dans ses œuvres, la nature donne à voir l’expression d’une force vitale, productrice, créatrice, qui génère des formes, un devenir, des mouvements.
Les créations d’Isabelle Bonté-Hessed2 rendent palpable et visible une pulsion de vie. Elles mettent en évidence cette vitalité du monde végétal, sa puissance créatrice, sa capacité à se mouvoir, sans cesse en devenir et en croissance. Sa démarche révèle l’analogie entre la plante et la création, l’une et l’autre pouvant être vues comme un processus : une croissance permanente, des continuités par des ramifications.
Dans son œuvre Je décide d’honorer chaque journée par une fleur, Isabelle Bonté-Hessed2 prend soin de cueillir des fleurs pour les fixer par l’application de paraffine. La plante prise dans cette matière incarne le souvenir d’une rencontre d’une journée, d’un moment qui fut merveilleux, d’une réflexion que l’observation de cet élément vivant suggère. Cette cueillette devient trace d’un geste d’attention au monde. Cette œuvre au long cours constitue un herbier de 365 tableaux, qui préservent cette récolte quotidienne à Paris.
Où sont les parfums enivrants des fleurs disparues ? compose un ensemble d’œuvres réalisées à partir d’un embossage comme trace presque imperceptible. L’empreinte de la plante en voie d’extinction est alors délicatement préservée nous laissant juste entrevoir sa silhouette fantomatique. Ce jeu d’effacement/disparition du végétal renvoie à une tentative de capter ce qui peut disparaître au fil du temps et qu’il convient de manière urgente de nommer, de mettre en lumière et de protéger.
Dans ses œuvres, le végétal est pour cette artiste, un sujet qui lui permet de convoquer le souvenir, l’état d’une biodiversité fragilisée, le caractère éphémère de la vie et la nécessité de regarder avec la plus grande humilité les fleurs qui résistent face à la trop grande influence de l’homme.
Récemment ses dessins de fleurs séchées d’une grande délicatesse nous invitent à les contempler. Ces œuvres réalisées à partir de son observation de Lys, d’Hortensias, d’une si douce précision dévoilent la finesse des pétales de ces végétaux, fixés dans leur posture.
L’artiste s’intéresse, non à l’utilité ou la fonction de la plante, mais plutôt à sa texture, ses lignes, ses couleurs. Si les fleurs fanées renvoient à la fragilité, elles donnent aussi à voir une puissance sculpturale : résultats du temps, de la vie qui passent. Ainsi, la nature incarne pour elle une certaine puissance du commencement et du recommencement.
À partir de la technique de la porcelaine, elle sculpte également une multitude de feuilles, empreintes de leur nervure et de leur volumétrie. Ce travail de la terre l’amène à un retour vers ses premiers travaux. Le feu transforme cette matière molle en des éléments durs qui résistent au temps. Or, ceux-ci restent tout de même facilement friables. Ces éléments, tels des bijoux ou objets de curiosités donnent naissance à des installations, traces du passage du vent. En noir et blanc, ils créent un chemin de lumière.
Au-delà de cette poétique de la plante fanée (et qui va bientôt s’effacer de nos terrains, réserves d’espèces endémiques), il y a dans ses œuvres la volonté de nous dévoiler la parenté entre le végétal et l’humain, êtres vivants voués à se transformer et à prendre d’autres formes. Les fleurs, les arbres symbolisent la résilience, la capacité de s’adapter et de vivre même dans les conditions les plus rudes. Ces végétaux ont à chaque saison, leur beauté, des facultés de nous attirer.
Les œuvres d’Isabelle Bonté-Hessed2 donnent la parole à la Nature, qu’on oublie parfois de regarder et qui aujourd’hui risque aujourd’hui de disparaître. La relation entre l’être humain et la nature est donc un enjeu pour l’artistes contemporains : il s’agit de rechercher la survivance d’une interaction et d’une collaboration avec cette dernière.
Pauline Lisowski
nov 2020