L’animal est à l’honneur à l’Espace Monte-Cristo de la fondation Villa Datris, dans le 20e arrondissement de Paris. Nous entretenons diverses relations avec ces êtres vivants avec lesquels nous ne sommes pas si éloignés. Réunissant des artistes de différentes générations et de divers horizons, cette exposition nous invite à découvrir les multiples caractères, symboles et attentions qu’on accorde à l’animal. « Sans vouloir culpabiliser, nous espérons accompagner le visiteur dans une réflexion sur les messages revendiqués par nos artistes au sujet de l'animal. » précise Pauline Ruiz, une des commissaires de l’exposition. Selon les époques et les pays, nous les considérons plus ou moins comme nos égaux et fidèles compagnons. Les œuvres nous ouvrent aussi vers des enjeux actuels liés à la préservation du vivant, fragilisé par les bouleversements climatiques que nous vivons.
La première salle réunit des sculptures d’artistes, récemment acquises par la fondation Villa Datris, qui nous transmettent la proximité que nous pouvons entretenir avec l’animal, sa beauté ainsi que les fascinations que nous pouvons éprouver pour certains. Samuel Rousseau détourne et interprète d’une manière contemporaine les fresques des grottes de Lascaux et du Pont d’Arc par une animation. L’oiseau se retrouve dans les œuvres de César, de Jean Tinguely, de Richard Di Rosa et Wang Keping. Chacun en propose une version sculptée qui rend compte des caractéristiques des êtres vivants auxquels on s’attache.
Certaines œuvres sont teintées d’humour et de gravité comme celles de Laurent Perbos, qui propose un ensemble d’œuvres suite à la carte blanche qui lui est confié. Il a installé une étrange volière réalisée à partir de matériaux puisés dans son quotidien.
L’animal est ici présenté avec toutes les charges symboliques qu’on lui dote, symbole à fois de liberté et de grandeur. L’installation suspendue d’Antonio Gagliardi dévoile de nouvelles architectures pour des habitats d’animaux, en écho à l’urbanisation grandissante. Ses nombreux abris créent des lieux pour palier à la diversité d’animaux qui peuple nos villes.
Une section est consacrée à l’animal dans notre culture populaire, sujet de récits fondateurs de l’humanité. Evert Lindfors interprète l’Arche de Noé. L’œuvre de Kate MccGwire, serpent à plume dans son espace transparent rappelle le Quetzalcoatl. Sébastien Gouju fait lui référence à l’artisanat et à nos coutumes en associant l’animal à des socles, mobiliers et vases. Sa pieuvre s’insère dans une étagère de salle de bain.
Des artistes s’intéressent également à la part animale de l’homme et convoquent les récits ancestraux qui parlent de l’identité féminine. La sculpture Je suis une louve de Katia Bourdarel fait remonter à la surface les images de récits où l’animal présente des qualités mystérieuses aussi bien merveilleuses qu’inspirant la crainte. L’œuvre de Rina Banerjee fait référence à une société qui perçoit la femme tel un « singe décoré ». En auteur, au mur, la pièce de Joana Vasconcelos convoque elle un bestiaire domestiqué. Les voix des femmes sont entendues grâce aux œuvres d’Amélie Giacomini et de Laura Sellies.
Plus loin, des artistes sont témoins des perturbations actuelles qui modifient la place de l’animal dans un écosystème fragilisé par l’impact de l’homme. L’œuvre de Pascal Bernier tente de nous alerter contre les dégâts causés par l’industrie alimentaire. Céline Cléron avec son installation nous propose de nous mesurer aux animaux sauvages, bien souvent considérés comme inférieurs. D’autres plasticiens s’engagent à procéder à des gestes de sutures, de réparation et de protection pour faire face aux dégâts causés indirectement par nos modes de vie. Le collectif Art Orienté Objet, habitué à nous faire prendre conscience de notre relation à l’animal cherche à rendre une image d’une possible immortalité d’un albatros, cet animal de la liberté et du voyage.
« Les œuvres sont associées dans l’espace de manière à permettre des discussions entre les démarches des artistes, à créer des échos entre elles : celles-ci sont parfois purement esthétiques et d’autres fois fortement politiques. » explique Pauline Ruiz. Chaque œuvre contient une histoire, un récit, la mémoire d’un territoire ou d’une vie plus égalitaire entre les Hommes et les animaux, certains devenus des compagnons de route.
Ainsi, cette exposition nous invite à un parcours à la rencontre de l’animal dans des postures, des modes de vie, des habitats, des époques et des cohabitations qui nous incitent à la réflexion et à un profond respect. Le propos de cet ensemble de sculptures convoque l’humilité que nous pouvons avoir face aux êtres vivants et aux non-humains.
Pauline Lisowski
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Geronimo IV de Laurent PERBOS, 2020, Courtesy Galerie Baudoin Lebon, ADAGP Paris 2020 ©Bertrand Hugues
Je suis une louve de Katia BOURDAREL, 2012, Collection Fondation Villa Datris, ©Bourdarel_ADAGP, Paris 2019, Photo : Aeroplastics, Bruxelles
Krishna - 1 de Joana VASCONCELOS, Collection privée ©J. Vasconcelos_ADAGP, Paris 2019 ©Franck Couvreur
Accident de chasse (renard) - 2 de Pascal BERNIER, 2018, Collection Fondation Villa Datris, ADAGP 2020© Bertrand Hugues